mercredi 29 mars 2017

Nommer le problème : la violence masculine

Lycée Tocqueville à Grasse le 16 mars 2017 : un jeune homme de 16 ans rentre dans son lycée armé d'un fusil et de deux revolvers fauchés à ses père et grand-père et déclenche une fusillade, blessant son proviseur et 7 autres personnes. Le garçon est une sorte de fils d'archevêque, normalement bien intégré socialement, rien à voir avec un "jeune de banlieue" (expression consacrée) pouvant susciter la compassion des tenants de la thèse des damnés de la terre ex-colonisés : son père est conseiller municipal passé du Front National à Les Républicains. La Ministre de l'Education Nationale, Najat Vallaud-Belkacem se fend d'un communiqué où elle excuse le geste en désignant "un jeune homme fragile", "fasciné par les armes à feu", complète Christian Estrosi. Le garçon est surtout fasciné par les meurtriers de masse style Columbine High School (USA) ou deux garçons sèmeront la mort en 1999 en tuant 12 élèves et un professeur, mais passons. Moi, je veux bien aussi être "fragile" à la tête d'un arsenal.
#Grasse - "Je m'attendais à voir un fauve en cage, je suis tombé sur un gamin avec une gueule d'ange" dira l'avocat du tireur. Bon, bref, un enfant de chœur. S'en suivent caméras et micro trottoirs des voisins tombant des nues, et cellule psychologique. Le truc habituel. On a évité la énième marche blanche sans pancarte ni insignes, c'est déjà ça !

Deux jours plus tard, 18 mars, un type en cavale depuis le soir précédent tente de dérober son arme à une femme de la force Sentinelle à l'aéroport d'Orly et est abattu par les collègues de la militaire. On apprendra au fil du déroulé de l'enquête, qu'après s'être copieusement alcoolisé dans un bar et avoir pris des stupéfiants, cet habitant du Val d'Oise, français de 40 ans issu l'immigration, délinquant de droit commun condamné plusieurs fois, vient faire une fin à Orly en se réclamant opportunément d'Allah : suicide by cops, disent les anglo-saxons. Suicide par policiers interposés. Le billet sans retour vers l'au-delà quand l'avenir est borné. Je sais, mon analyse n'est pas en phase avec les vendeurs de guerre et de l'"état de guerre" qui font les beaux jours du Front National et de l'Etat d'urgence.
Ce qui était intéressant, c'était d'aller sur Twitter lire les hashtags #Grasse et #Orly ou #OrlyAttack (en anglais ça sonne mieux !) voir les twittos/twittas des deux bords, extrême-droite et extrême-gauche se tirer la bourre à coups de gif animés et de ricanements, spéculations et procès d'intention, avant qu'on sache quoique ce soit sur l'origine des terroristes ni de leurs motivations, en fonction de leurs opinions politiques. Par acquis de conscience, j'ai descendu la timeline histoire de trouver un tweet intelligent, réellement informatif et dépassionnant le débat : en pure perte. Pas un journaliste objectif en vue, ces jours-là. Mais encore plus remarquable, le fait massif qui crevait le yeux et s'imposait à la raison, -en tous cas à la mienne- c'était que pas un.e seul.e des débatteurs (si on peut dire) ne faisait la remarque que dans tous les cas, le fauteur de trouble était de sexe mâle !

Motus, omertà, loi du silence. Bœuf sur la langue", comme écrivait la regrettée Christiane Rochefort.
Aveuglement volontaire ? Consensus mou ? Oubli du fait qu'à chaque Noël on offre aux gars des armes en plastique bien imitées, histoire de leur instiller qu'ils sont les saigneurs de la Terre ? Valorisation des comportements irresponsables des garçons mais diffamation des femmes et filles. Et que ça finit par nous revenir en boomerang dans la tronche, à force ?

Ebahissement des gens de la rue : le tueur est toujours un bon voisin, plutôt taciturne toutefois, voire sanglier solitaire qui n'aime pas qu'on lui casse les burnes, mais sans plus. Les spécistes suprémacistes humains qui ont toujours un autre agenda à nous refiler, -les tirs de loups, espèce protégée par les traités supra-nationaux que la France signe puis viole dans les jours d'après- passent à "loup solitaire" quand ça vire vraiment vinaigre et qu'il faut déclasser le criminel d'espèce humaine à espèce animale réputée féroce, le crime étant par trop insupportable ! Coup double, l'expression s'impose. "Gueule d'ange", beauté du diable dans un cas, petit délinquant de droit commun dans l'autre (oui, à 16 ans on est plus frais qu'à 40, surtout quand on a passé quelques années à l'ombre d'une geôle !). L'(a fausse, c'est pas possible autrement) ingénuité de l'espèce humaine laisse pantoise : mais quoi, quoi, quoi, les délinquants ne sortent pas du ventre de leur mère avec "violeur, terroriste,..." tatoué sur le front ? Comme le monde est mal fait, mon pauvre Monsieur !

Eh bien non, les enfants qui naissent, garçons ou filles, ne sont pas prédestinés à devenir violeurs ou tueurs de masse, ni même petits délinquants ou terroristes fous : c'est la société qui les y conduit, par l'abandon sociétal, les mauvaises rencontres, un père de famille incestueux ou violeur, une mère impuissante, épuisée et abandonnée, que sais-je, mais il faut tout de même constater aussi que tous les enfants victimes d'inceste, de mauvaises rencontres, ou d'un père violeur ne deviennent pas non plus tous des délinquants, que leur libre-arbitre continue à fonctionner. Rappelons aussi que la vie est plus difficile pour les filles et femmes, l'éducation plus restrictive et répressive, qu'elles sont plus souvent victimes d'injustices sociales et de prédateurs sexuels, MAIS qu'elles fournissent moins d'inadaptées sociales, que tout en ayant à surmonter plus d'obstacles, elles s'intègrent, qu'elles sont plus vertueuses et méritantes, ces gros mot méprisants ! La "vertu"*, vous pensez, quel ennui, dans une société qui valorise au plus haut point la violence, l'inconduite et les bad boys.

96, 2 % de la population carcérale sont des hommes. Qui finissent par coûter cher à la société : en skate parks, en terrains de foot, en cours du soir préventifs (en tous cas, à en croire les pubs Acadomia ne ciblant que les garçons), et autres "investissements" en pure perte, puisque les garçons restent largement en tête des statistiques de la délinquance, puis, ensuite, en frais de justice et places de prisons. Sans compter les victimes abîmées à vie de leur violence - routière incluse. Alors ? Il est temps de cesser ce silence, ces omissions, ce déni, il est temps de soulever le couvercle patriarcal et regarder en dessous : il est temps de nommer la violence masculine et de dénoncer les torts qu'elle cause à la société. Il est impossible de porter remède à ce qu'on refuse de voir et de nommer. Il faut aussi valoriser les filles et leurs comportements positifs, leur courage et leur combativité dans une société qui ne valorise que leur abnégation et ne voit qu'en négatif leurs indéniables qualités.



Un lien qui confirme l'effacement de la violence masculine dans Mondes sociaux  -Radicalisation et injonction à l'individualisation- qui emploie ad nauseam l'adjectif substantivé "jeune.s" et qui noie bien le poisson. Les filles ne sont jamais jeunes, elles, certainement.

* Je sais que vertu est connoté religieux, mais je ne trouve pas de synonyme satisfaisant. Pas faute d'avoir cherché pourtant.

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