samedi 30 mai 2015

Les tunnels solaires de Nancy Holt

Nancy Holt est une artiste photographe et plasticienne américaine (1938-2014) qui a notamment produit des ouvrages de Land Art dans les années 60. Elle reste assez peu connue, normal, c'est une femme ! Elle a réalisé une œuvre appelée Sun tunnels dans un bassin désert de l'Utah en s'inspirant des monuments de pierres des peuples du Néolithique qui rendaient un culte au soleil, comme à Stonehenge dans le Sud de l'Angleterre, ou à Hovenweep Castle, un ancien palais solaire construit par les amérindiens, situé entre les états du Colorado et de l'Utah, pour ne citer que ces deux-là. Nos ancêtres n'avaient pas l'électricité, ni de livres, ni d'écrans, ils levaient donc la tête et voyaient, lisaient le ciel à livre ouvert, ciel que nous ne voyons plus, puisque nous sommes devenus des peuples citadins sédentaires penchés sur des écrans et des livres, aveuglés par la pollution électrique et lumineuse des villes !


Nancy Holt installe dans un morceau de désert, dont elle acquiert la propriété, quatre buses gigantesques, en X : elle se fait aider par un astrophysicien pour orienter les buses de façon à capter les rayons de l'astre solaire lors des solstices d'été et d'hiver. Le propos de son œuvre est de faire descendre le ciel vers la terre, et de faire du soleil le partenaire de sa création.

Voici ce qu'en dit Michel Onfray dans Cosmos :

" Nancy Holt (1938-2014), une artiste américaine de Land Art, permet d'effectuer la liaison entre le beau classique et le sublime contemporain avec son travail, notamment avec une œuvre de 22 tonnes intitulée Sun tunnels (1973-1976) -elle figure sur la couverture de ce livre. Après de longs voyages prospectifs qui constituent autant de méditations et d'expériences sur soi, elle choisit soigneusement un lieu. Ensuite, elle en prend intimement connaissance : géologie, géomorphologie, faune, flore, astronomie, astrophysique. Puis elle campe sur les lieux et se met dans la disposition d'esprit des hommes qui, des millions d'années avant elle, ont vécu dans cet endroit, dans une nature désertique presque inchangée. Dans son champ de vision se trouvent des montagnes et des humains qui ont habité des cavernes qu'on y trouve encore. L'artiste part à la quête ontologique de la spiritualité de ces premiers hommes.


Nancy Holt travaille ensuite avec les mouvements du soleil et particulièrement avec les solstices en produisant une œuvre qui permet au regardeur de se retrouver  au centre du cosmos et de prendre conscience qu'il est petite partie d'un grand tout, infime morceau d'un univers infini, insignifiant fragment d'une totalité incommensurable. Dix jours en amont et dix jours en aval des dates de solstice d'hiver et d'été, mais pas seulement, l’œuvre permet au regardeur d'effectuer une expérience qui lui permet de faire coïncider le paysage extérieur dans sa configuration astronomique et le paysage intérieur dans sa conformation cosmologique. 


L’œuvre installée dans le désert de l'Utah à 60 kilomètres de la première ville, à une quinzaine de kilomètres de la première route, non loin de Lucin, une ville fantôme, se compose de quatre buses orientées en fonction de l'arrivée des rayons du soleil au moment des solstices. Les pièces sont dans un matériau d'une couleur presque semblable à celle du sable du désert à cet endroit. Elles sont disposées en X, alignées par couples, placées dans l'axe de la direction des lumières verticales de l'été et horizontales de l'hiver. Chaque tunnel comporte des trous minutieusement percés qui permettent le dessin de motifs lumineux à l'intérieur des pièces dans lesquelles un humain peut entrer - elle font plus de cinq mètres de long, près de trois mètres de hauteur, le tout s'étalant sur vingt six mètres. Par ces orifices, on peut voir les constellations du Dragon, de Persée, de la Colombe et du Capricorne. Le projet esthétique de cette installation dans le désert ? Que chacun sente et découvre son appartenance au cosmos. "















Cosmos, ouvrage de philosophie (accessible, bien écrit, premier tome d'une trilogie) de plus de 500 pages de Michel Onfray, où il plaide pour une ontologie matérialiste affranchie des "fictions de papier des trois religions du Livre et de leurs altermondes", ne cite comme d'habitude, que des penseurs et philosophes masculins, puisque les hommes (mâles) ne voient qu'eux-mêmes et jamais les femmes, pourtant bien présentes à toutes les époques. Mais c'est vrai aussi que ce sont surtout les hommes qu'on publiait. Il cite toutefois les travaux d' une deuxième femme, après Nancy Holt, l'archéoastronome Chantal Jègues-Wolkiewiez qui fait l'hypothèse que les humains des cavernes (il y a 35 000 ans !) avaient non seulement une excellente connaissance des étoiles, mais qu'ils auraient peint leurs relevés astronomiques sur les murs de leurs grottes selon cette vidéo en anglais, filmée à Lascaux. J'ai trouvé ces deux femmes, l'une artiste, et l'autre scientifique, très inspirantes.


Femme regardant le soleil levant - Caspar David Friedrich - Vers 1818. 

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