vendredi 28 novembre 2014

Le combat d'une femme pour toutes les femmes



Superbe téléfilm de Christian Faure sur France 2, mercredi soir 26 novembre. Les trois jours et trois nuits des débats à l'Assemblée Nationale (9 femmes sur 577 députés !), la loi de décriminalisation de l'avortement portée par Simone Veil, gauliste, Ministre de la Santé du Gouvernement Chirac sous la Présidence de Giscard d'Estaing.

En fine politique, Simone Veil porte sa loi sur l'Interruption Volontaire de Grossesse devant l'Assemblée composée de vieux parlementaires conservateurs mâles ("ce sont les mêmes députés qui rejettent la loi et qui demandent à voix basse comment faire avorter leurs maîtresses", phrase historique), sans (surtout sans !) l'aide de sa collègue Françoise Giroud qu'elle bat froid, Secrétaire d'alors aux Droits des Femmes. Dans une scène du téléfilm, on voit Françoise Giroud la rattraper et Simone Veil, coincée qui voudrait l'éviter, mais ne peut pas. Le contact sera très bref. Simone Veil, Ministre de la Santé, considère en effet que sa loi ne passera pas si on se bat sur le terrain féministe : elle en fait une question de santé publique, les femmes meurent d'avortements clandestins, ou en restent mutilées à vie, il faut donc décriminaliser l'avortement et le légaliser. Le téléfilm montre le combat politique dans les coulisses : les comptage des voix, les rapports de force entre socialistes (qui vont voter la loi, mais dont certains ont des pudeurs en votant avec les gaullistes), les centristes qu'il faut convaincre de voter pour une loi "progressiste", car une partie de ceux-ci sont contre l'IVG. Acrobatie politique donc, menée avec conviction aussi, par son directeur de cabinet joué par Lorànt Deutsch qui court les couloirs pour rallier des voix. Obtenir la neutralité de l’Église, une victoire (nous ne dirons pas que nous sommes pour, nous ne diront pas que nous sommes contre) et apaiser l'Ordre des Médecins, à qui il faudra lâcher la clause de conscience.

Simone Veil devra aussi lâcher le remboursement prévu dans le texte, pour remporter la majorité. La gauche au pouvoir rendra l'IVG gratuite en 1982. Mais la brèche dans le conservatisme masculin était grande ouverte.

Que dire d'autre ? Les saloperies proférées par une Assemblée de vieux barbons hostiles et sans vergogne (un seul présentera des excuses), la solitude de Madame Veil déposée, la nuit généralement, par son chauffeur, à quelques mètres de son domicile tagué de slogans hostiles, les lettres d'insultes et de menaces qu'elle demande à son cabinet de conserver pour l'histoire.

Emmanuelle Devos est sobre mais époustouflante dans le rôle de la Ministre, même si elle dit avoir eu quelques difficultés à capter et rendre l'intonation si particulière de ses "a", et les regards de côté dont elle fusille ses adversaires.

Le téléfilm est aussi pour celles/ceux qui ont l'âge de se souvenir de l'époque, une partie de têtes : Jacques Chirac, Jean Lecanuet, Antoine Veil le mari, Françoise Giroud, les deux éminences grises de Chirac, Pierre Juillet et Marie-France Garaud, Michel Poniatowski, le sémillant Neuwirth qui se place entre Simone Veil et les caméras en disant "J'ai davantage l'habitude", Debré..., tous joués par des comédien-nes impeccables qui viennent chacun tenir leur rôle, c'est parfaitement joué.

Cet excellent film relatant le combat politique d'une femme pour toutes les femmes est encore disponible en replay pendant quelques jours sur le site de France 2 : suivez CE LIEN.

Il ne faut jamais oublier que les acquis des femmes ont été gagnés de haute lutte et qu'ils sont fragiles. Ce téléfilm est là pour nous le rappeler.

Lien : Simone Veil sur France 2 : La Loi et Emmanuelle Devos encensés sur Twitter
Le Twitter de La Loi 


mardi 25 novembre 2014

La violence contre les femmes, une pandémie globale

Une pandémie globale à travers trois formes de violence dans l'espace public et privé :
Physique, sexuelle, psychologique.
Violence par le partenaire : 1 femme sur trois dans le monde a expérimenté la violence physique généralement par le partenaire. En 2012 dans le monde, 1 femme tuée sur 2 l'est par son partenaire ou la famille. 1 homme tué sur 20 l'a été dans ces circonstances
Les 2/3 des pays ont criminalisé la violence domestique.
52 pays seulement ont explicitement criminalisé le viol dans le mariage.
2,6 milliards de femmes et de filles vivent dans des pays où le viol marital n'est pas criminalisé.

Quelles formes prend la violence sexuelle ? 
Le viol dans le mariage, par des relations proches, des étrangers ou lors de conflits armés ;
Les avances sexuelles, le harcèlement sexuel, le marchandage de sexe contre des "faveurs" ;
Les abus sexuels sur enfants ;
Les mariages et cohabitations forcées, incluant le mariage des enfants.

Dans l'Union Européenne, 45 à 55 % des femmes ont expérimenté le harcèlement sexuel avant l'âge de 15 ans.

Violence against Women


Le trafic humain et l'exploitation sexuelle forcée : 4,5 millions de personnes sont victimes de l'exploitation sexuelle forcée. 98 % sont des femmes ou des filles.

Les mutilations génitales féminines - Définition : altération et mutilation des organes génitaux féminins pour des raisons non médicales.
Les MGF/FGM se pratiquent communément en Afrique et au Moyen-Orient où sont concernées 133 millions de femmes et de filles qui ont subi ces mutilations. 

Les mariages précoces ou mariages d'enfants : concerne 700 millions de femmes ou de filles aujourd'hui, mariées avant
18 ans et plus d'un tiers de ce nombre, mariées avant 15 ans. Plus elles sont pauvres, plus elles sont susceptibles d'être mariées enfants.

Les mariages précoces des filles servent un but politique : METTRE FIN à l'éducation, à la vocation professionnelle et au libre choix des femmes et des filles. Les victimes de mariages précoces souffrent davantage des violences maritales et intra-familiales. (Normal : elles sont mises de force à la libre disposition des hommes).  En outre, les mariages précoces maintiennent les femmes et les filles dans la dépendance économique qui les empêche de maîtriser elles-mêmes leur destin.

Infographie UN WOMEN - Infographie ONU FEMMES.

samedi 22 novembre 2014

Niki de Saint Phalle - La mort du Patriarche

Expo Niki de Saint Phalle au Grand Palais - 17 septembre 2014 au 2 février 2015.


Niki de Saint Phalle ( 1930-2002) est une sculptrice, peintresse, plasticienne française. Autodidacte, elle n'a fait aucune formation artistique. Elle a commencé à s'exprimer dans les années 50, dans des œuvres pop art colorées, acryliques, où plusieurs influences se croisent, des totems d'art brut, par exemple. Niki de Saint Phalle, qui a été victime à 11 ans d'un père incestueux, utilise l'expression artistique pour exorciser cette agression. J'ai découvert la vidéo que je vous propose ci-dessous : La mort du Patriarche, cathartique, très audacieuse (radicale) pour l'époque, le patriarche tout puissant, recouvert d'armes, au sexe symbolisé par un avion, sur lequel elle tire au 22 long rifle ! A l'époque, le féminisme, très intellectuel, est réservé à une élite pensante, et n'est représenté que par la philosophe Simone de Beauvoir, il n'a pas pénétré dans l'opinion publique, il faudra pour cela attendre les années 70. Une précurseuse, tripale, frontale. Cette belle vidéo s'apprécie mieux en plein écran.



Niki de Saint Phalle, La mort du patriarche (1972) from rue89 on Vimeo.

Liens vers trois autres vidéos : Dolorès - Nana power !
Skull meditation 1990 : les années SIDA
Le rêve de Diane -  Totem, couleurs vives et thématique de l'araignée comme dans Louise Bourgeois.

Pour les amateurs d'art et de Niki de Saint-Phalle, illes peuvent aller admirer son "arbre aux serpents" sculpture acrylique solaire, installée sur une terrasse, dans la cour intérieure du Musée des Beaux-Arts d'Angers qui l'a achetée en 1992, elle y offre un contraste saisissant avec son architecture des XVème et XVIIème siècles. Le serpent est de tous temps un symbole de fécondité, attribut féminin par excellence. Le musée abrite en outre de belles collections de peintures. Vraiment à voir, à défaut du Grand Palais, un jour de soleil, si vous habitez en Bretagne-Pays de Loire. Bonnes vibrations assurées, une cure d'optimisme !

Lien : Niki de Saint Phalle, une géante.


lundi 17 novembre 2014

Souffleurs de feuilles

Chic, c'est l'automne : la chute des feuilles. En ville, elles s'accumulent dans les coins, ou en tas, et elles pourrissent sur le sol qui, du coup, devient glissant. Mais, coup de chance, on peut compter sur l'ingéniosité du mâle humain sans qui nous serions restées comme de courges idiotes avec nos balais de riz, de crin ou, pire, de fagots ou de genêts, signalant la pauvre sous-développée méritant son sort, le Tiers-monde, en somme. Une tâche, aussi connotée "occupation de bonne femme" soit-elle, peut les intéresser si elle est motorisable et industrialisable. Ça lui donne tout de suite une autre allure ! Ils y mettent un moteur : ça crache de la suie, de la puanteur, ça brûle des hydrocarbures non renouvelables et ça fait un boucan d'enfer ? Tout bénef : on voit et entend mieux ainsi qu'ils travaillent. En effet, il y a un doute depuis qu'on sait que 80 % des corvées vraiment utiles de la planète sont assurées par nos soins avec nos balais de riz, nos dos de mule et petits bras sans muscles (disent-ils) de faibles femmes. Et pour la peau, en plus, mais bon, quand on ne pétarade pas, on n'a aucune chance d'être entendue, faut ce qu'il faut.

Je vous ai trouvé une vidéo où un homme fait joujou avec son engin. Regardez bien l'endroit où ça se positionne pour être vraiment efficace..., surtout quand l'utilisateur est de profil, l'illusion est parfaite. J'ai les idées mal placées ? Sans rire, Docteur Freud ! Spéciale dédicace à ma mairie qui m'assiège en permanence avec ses engins nettoyeurs fumants et puant le gazole, directement proportionnels au volume des impôts locaux. Vive l'automne. Et merci à Elihah pour le clin d’œil et l'idée, puisque c'est elle qui me l'a soufflée au départ ;)

Lien Courrier International : Insurrection contre les souffleurs de feuilles



PS : On n'arrête pas le progrès : Colas Suisse expérimente l'exosquelette, armature robotisée qui développe les capacités physiques de son porteur, lui donne une force surhumaine, un peu comme celui enfilé par le Lieutenant Ripley dans Alien, pour déplacer des charges lourdes dans son vaisseau spatial. D'ailleurs l'exosquelette est directement inspiré des jeux vidéo et du cinéma. Comme je ne veux pas passer pour la rabat-joie du coin, je ne vais pas dire que de toutes façons, les râtisseurs se prennent quand même toute la pollution du bitume dans les naseaux, et puis que le but de l'opération, c'est sans doute le recul de l'âge de la retraite : en effet, si c'est un exosquelette qui fait le boulot, vous n'aurez plus d'excuse pour refuser de rester sur les chantiers jusqu'à au moins 70 ans !
Les aides-soignantes (femmes, à proportion écrasante) continueront, elles, à soulever des grabataires de 60 à 80 kilos à la force du dos et des poignets. Ça n'intéresse pas les hommes, ils ne vont pas dans ces métiers-là, ça ne fait pas de belles images au cinéma, et elles n'inspirent pas les créatEURS de jeux vidéo. Et puis, ce n'est pas un vrai travail, comme le leur, puisque ce sont des femmes qui le font !

On finira par en crever de ces  gros engins partout :


jeudi 13 novembre 2014

Des terroristes, les environnementalistes ?

Un militant écologiste Rémi Fraisse, est mort sur la Zad du Testet dans le Tarn avons-nous appris dans la matinée de dimanche 26 octobre. Intérimaire, botaniste, stagiaire d'une des associations affiliée à France Nature Environnement, il y participait au groupe de protection de la Renoncule à feuille d'ophioglosse selon le site de Reporterre. Rémi Fraisse n'était donc pas au Testet dans la forêt de Sivens "au mauvais endroit, au mauvais moment" comme on l'a entendu ou lu dans certaines déclarations, mais il y était bien à sa place. Et il n'est pas le premier à mourir en défendant ses idées : le photographe de Greenpeace, Fernando Pereira décède en juillet 1985 sur le Rainbow Warrior, navire amiral de Greenpeace, saboté dans le port d'Auckland par les services secrets français. Avant lui, Vital Michalon, professeur de physique, militant anti-nucléaire, est tué par la déflagration d'une grenade offensive en 1977, sur le futur site de Creys-Malville. Rappelons enfin que des militants des droits humains, sociaux et écologistes sont assassinés en Amérique Latine par les hommes de main des grands propriétaires et des banques pour ne citer que le cas de l'Equateur.


Il est habituel de faire porter le chapeau des affrontements entre militants environnementalistes et forces de l'ordre aux seuls militants : ce fut le cas il y a deux ans sur le site de Notre Dame des Landes, où il y eut de nombreux blessés, parfois très graves. Certain-es, dont Eva Joly, se sont demandé ce que faisaient les gendarmes mobiles au Testet un week-end de fête, alors même qu'il n'y avait plus rien à y garder, les engins de travaux publics ne travaillant pas le week-end. D'autres ont parlé de ce dossier et des circonstances : le dossier de Reporterre ICI et A la bergerie ICI. Le dossier de FNE sur les incohérences et les incompétences du barrage ICI. Xavier Beulin Président de la FNSEA dénonçant les "djihadistes verts" du Testet, après "Khmers rouges" et divers autres qualificatifs infâmants.

Au fait, comment se comporte la FNSEA, lors de ses différentes manifestations ? Notamment la dernière, le 5 novembre relatée par le site du Monde contre les "contraintes, directive nitrates et les charges de plus en plus folles" ? Blocages d'autoroutes, déversement de fumier et de lisier sur les préfectures et les antennes locales d'EELV, arraisonnement de camions étrangers "passés au peigne fin", et maltraitance à animaux (des ragondins) à Nantes. Rapportée par L214 qui vient de déposer une plainte tout comme la Fondation Brigitte Bardot plus quelques autres, elles sont neuf en tout :


Hélas, la vidéo n'est plus visible, car non conforme aux conditions d'utilisation de Youtube ? Ou parce que la FNSEA est très puissante ? Quoiqu'il en soit, voici ce que ces gens se permettent de faire : déverser en les brutalisant ces animaux sur la rue, les peindre en rose ou rouge et les achever à coups de pieds ! Lien vers 20 minutes. Et la vidéo sur Dailymotion. Le ragondin ou myocastor est une espèce de rat qui a été lâché dans la nature au XIXè siècle en Europe, où il avait été introduit pour sa fourrure : "tous les individus proviennent d'évasions ou de lâchers volontaires" dit Wikipedia. Le désastreux classement en "nuisible" (comme Ségolène Royal, déclarent les agriculteurs dans la vidéo) et le fait aussi que le public ne les aime pas, sont sans doute les raisons pour lesquelles ces maltraitants ont pensé pouvoir faire cela en toute impunité : en 1996 ou 1997, sur les routes et 4 voies de Bretagne où je circulais, la FNSEA arraisonnait à l'époque tous les camions étrangers qui importaient du mouton néo-zélandais. Un jour, ils ont arrêté un camion de moutons vivants, les ont arrosés d'essence et y ont mis le feu. Scandale dans l'opinion publique, avec les ONG de protection animale sur le dos, la FNSEA et ses adhérents ont compris ce jour-là que des actions pareilles ne pouvaient que leur attirer une désastreuse image. C'est à ce moment qu'ils sont commencé leurs opérations portes ouvertes, les distributions de légumes aux usagers ralentis ou bloqués sur les autoroutes, voire des péages investis et déclarés gratuits, et explications aux automobilistes de leurs mouvements et actions. Tout en continuant quand même à déverser du fumier et du lisier sur les préfectures. Je vous fais grâce de la grosse douzaine de fois où j'ai été personnellement arraisonnée sur la RN 12 ou la RN 24 en période d'essai et allant signer mon premier contrat commercial dans le Finistère pour ne signaler qu'un seul cas grave. Le 5 novembre à Nantes, leurs penchants à la violence envers les bêtes ont ressurgi. Les mauvais traitements aux animaux sont prohibés par le Code Rural, le Code Civil et le Code Pénal. Il va falloir qu'ils soient très convaincants, quand ils viendront, la prochaine fois, nous expliquer qu'ils adorent leurs animaux et qu'ils les traitent bien.

La délinquance en salopette de travail ne s'arrête pas là : le maire de Nançois Le Grand dans la Meuse met à prix la tête d'un loup qui décimerait les troupeaux dans sa région. 2000 euros pour le capturer et le remettre à un parc animalier. Inutile de préciser que cette initiative du premier magistrat d'une commune, garant de l'ordre et de la pratique démocratique sur sa portion de territoire est une crapulerie : sa préfète l'a d'ailleurs rappelé à l'ordre. Le loup est une espèce protégée, on ne peut pas le chasser, le tuer, ni l'effrayer. La préfète de la Meuse serait aussi bien inspirée de se mettre en rapport avec son homologue des Hautes-Alpes qui fait tirer des loups par arrêté préfectoral pour complaire aux pastoraux. Deux poids, deux mesures, double standard comme toujours : faites comme je dis, pas comme je fais. Vous êtes un-e citoyen-ne défendant une portion de territoire à la biodiversité végétale et animale remarquable contre des bétonneurs dont les projets datent de 40 ans (Notre Dame des Landes) ou de 25 ans (le Testet) autorisés par les mêmes hommes politiques inamovibles et consanguins à projets grevés de conflits d'intérêts, vous êtes un-e terroriste ; vous violez les accords internationaux que la France a signé, mais vous avez du pouvoir administratif ou corporatiste, et vous êtes légitime et intouchable. Notre démocratie va vraiment mal.

Liens : Les actus du Testet sur leur blog
Une corporation de bétonneurs depuis 200 ans


jeudi 6 novembre 2014

La querelle du féminin

Quand je vais à ma pharmacie de quartier acheter mes OTC (médicaments de confort, en français, je suis en bonne santé, merci Grande Déesse Cosmique), je vois en majorité des employéES, des jeunes femmes en blouse blanche. Pour distinguer les "pharmaCIENS", l'académie française dixit, moi je dis pharmacienne, des préparatRICES en pharmacies, chacune porte un badge sur le revers de la blouse, en substance : pharmacien pour les pharmaciennes et préparatrice pour les... préparatrices.

Selon les momies calcifiées de l'Académie Française, dont on peut trouver un article croustillant rappelant les règles d'usage par elle préconisées ici, et relayées par le Figaro ici, la pharmacienne est la femelle du pharmacien, comme la bouchère est la femelle du boucher, l'éléphante, celle de l'éléphant et l'ânesse, celle de l'âne. Pharmacienne selon l'Académie : petite main non diplômée qui tient la caisse, fait les comptes en fin de journée, tient la porte et dit au revoir à la dame, de préférence de façon oblate, bénévole et gratuite dans le mariage avec son pharmacien de mari qui, lui, a le diplôme donc la connaissance, et fait ses préparations galéniques sur la paillasse de son labo au fond de l'officine. Tout cela est bel et bon, mais fais remarquer Euterpe qui n'a rien perdu de son mordant en arrivant sur Twitter :
Oui ? Au fait ? Galénique ? Paillasse ? De la même manière qu'il n'y a plus guère de pharmacien-nes qui font de préparations galéniques, onguents, sirops et autres comprimés dans l'arrière-boutique, que les médicaments sont préparés industriellement et livrés tout (sur)emballés par 7, 14 voire 28 (même si vous n'avez besoin que de 6), la profession a connu une autre évolution majeure : 85 % des pharmaciens officinaux sont des femmes depuis très longtemps. Pour la simple et même raison que les instits et profs, les magistrats sont des femmes en majorité : on peut travailler de chez soi. Les proffes corrigent leurs copies à la maison, les magistrates rédigent leurs attendus et jugements en emportant les codes civil et pénal chez elles après leurs audiences au tribunal, et les officines de pharmacie ont toujours un logement de fonction attenant qui permet de vivre sur place, donc d'élever des enfants en gagnant sa vie ! Mais c'est passé loin des oreilles de l'Académie congelée au temps de Richelieu et qui n'a pas vu le monde évoluer. Donc Euterpe a raison, si la femme du pharmacien est pharmacienne par alliance, comme la bouchère, 85 % des pharmaciens de ce pays le sont par alliance, puisque c'est Madame qui est titulaire du diplôme. La preuve par l'absurde.

Quand j'étais petite au point de me pisser encore dessus, il y a donc un bon moment, nous fréquentions avec ma mère l'unique pharmacie de la ville tenue par un couple, commerce quasiment service public qui nous a vendu nos anti-vomitifs, sirops contre la toux et cachets d'aspirine prescrits par le médecin de famille. Monsieur, toujours en costume trois-pièces bleu marine, avec lustrage de bon aloi aux bons endroits, très chic, faisait la conversation derrière le comptoir, pendant qu'elle, la pharmacienne du pharmacien selon l'Académie donc, en blouse blanche et stylos Bic dans sa poche de poitrine, lunettes en sautoir, s'employait en cherchant les médicaments sur les étagères, remplissait les sacs et encaissait les paiements sur sa caisse enregistreuse. Toujours fraîche, aimable et souriante, toujours un mot gentil pour sa pratique.

Longtemps après, au moins 20 ans plus tard, un dimanche de repas de famille, je ne sais plus comment le sujet est arrivé sur le tapis : peut-être une cessation d'activité, une mise à la retraite ou la disparition de l'un des deux, nous avons reparlé d'eux, style nostalgique, madeleine de Proust. Et ma mère a fini par nous dire que le pharmacien diplômé c'était elle, et que lui n'était que son préparateur. Je vous parle d'un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. Sur le moment, j'en suis restée baba, comme deux ronds de flanc. Cette capacité à polariser la lumière, à prétendre être ce qu'on n'est pas, c'est leur génie : le patriarcat est une imposture, une escroquerie historique.

Lien supplémentaire vers une interview de l'Express d'un auteur que je ne connais pas, Alain Borer, ratiocinant sur la disparition du français, cette parano de francophone crispé et sexiste : nous menaceraient des fléaux tels que le globish -à mon avis, c'est plus sûrement l'anglais, langue internationale, qui est menacé par le globish-, "le neutre généralisé", la "perte du "e" muet qui fonde une co-présence ontologique" (si !) et autres perles. Bref, c'est Dien Bien Phu, et la cavalerie, si elle vient, arrivera trop tard.