samedi 3 novembre 2012

Obscurantisme et backlash















Cette photo date des années 1970 et représente des femmes kaboulies marchant librement dans la rue, habillées à l'occidentale. Kaboul, la ville cosmopolite des soixante-huitards, qui tentaient des expériences et des aventures nouvelles, lieu de passage vers Katmandou. On a l'impression d'un autre temps, alors que cela fait 40 ans, minijupes, cols pelle à tarte et sandales, il y a deux générations. Elles sont jolies, libres et heureuses de vivre, personne ne les entrave ni ne les menace, la vie et la ville leur appartiennent.

Aujourd'hui les femmes à Kaboul, c'est le code de la famille et des femmes voilées comme sur cette photo du Devoir,  ou encore ces fantômes en burka, menacées par les exactions des Talibans et leur islam radical.

Les obscurantismes religieux représentent un vrai danger pour les femmes et leurs droits ; le catholicisme confit dans l'eau bénite et le vin de messe n'est pas en reste sur l'Islam. Jeudi soir, C à vous sur France5 faisait à 19 H, juste après Calvi, la promotion des deux derniers épisodes de Ainsi soient-ils, la série en 8 épisodes sur Arte. L'inamovible abbé de La Morandais (dont le téléphone traîne dans les carnets d'adresses de toutes les rédactrices en chef de toutes les émissions de télé, et qu'on a vraiment assez vu) était donc sur le plateau, invité à donner son avis sur la série. A la fin du sujet il a eu cette phrase : "Je ne crois pas à l'égalité hommes-femmes, c'est un mythe républicain, la femme est complémentaire de l'homme" ! Ben tiens, le bon vieux coup de la complémentarité : femme, bas morceau de l'espèce humaine, -rappelez-vous l'histoire de la côte d'Adam dans la Bible, il ressert à chaque fois. Tous ces mecs sont dangereux. Évidemment, le sujet arrivant à sa fin, le temps chronométré a fait le reste, La Morandais à parlé le dernier, et le dernier qui parle à raison.

Toutes ces rodomontades viriles ont un seul but : rester entre soi, se partager le pouvoir, cette chose sacraliséee par les hommes, interdite aux femmes qui le trivialiseraient. Je viens de terminer Brune de Nicole Avril (Editions PLON - 2012), roman écrit d'après les mémoires de Flora Tristan, féministe visionnaire française. Flora, en voyage à Londres vers 1839, se met en tête de visiter le Parlement anglais, la Chambre des Communes, autrement dit. Mais ce lieu où s'exerce la démocratie anglaise est à l'époque interdit (strictly forbidden) aux femmes. Rien n'arrêtant une féministe transgressive et obstinée, Flora Tristan convainc un ami turc (les autres se sont tous défaussés) de lui prêter des habits masculins -ottomans du coup : turban pour dissimuler sa longue chevelure noire et pantalon bouffant. L'intense et exaltée Flora est tellement émue en pénétrant aux Communes qu'elle manque tomber en se prenant les pieds dans sa culotte bouffante, et elle entre dans l'inviolé sanctuaire viril le turban en péril ! Mais la déception va être à la hauteur de l'attente, immense. Car elle témoigne ainsi de ce qu'elle y a vu (sous la plume de Nicole Avril d'après les mémoires de Flora Tristan, Promenades dans Londres) :

"Ce lieu sacré ne tenait aucune de ses promesses, Flora le découvrait petit, mesquin, bourgeois. La salle était à ses yeux tout juste digne d'une réunion d'épiciers, à peine d'une chapelle de village. En revanche, le laisser-aller et les mauvaises manières des parlementaires lui semblaient en accord avec la médiocrité architecturale. [...]  Si le gentleman observait en société les règles de l'étiquette, s'il poussait jusqu'au raffinement son souci de l'élégance, le parlementaire en séance se conduisait comme un rustre. Loin du regard des électeurs, il arrivait tout crotté aux Communes, parfois en habit de chasse, la cravache à la main et le chapeau vissé sur la tête. Flora les avait surpris vautrés sur les bancs, lisant les journaux, se curant les dents ou dormant en plein débat, tandis que l'orateur égrenait, dans l'indifférence générale, un discours dépourvu d'intérêt. On avait l'esprit plus raffiné dans la taverne de Falstaff."

Sacré, le pouvoir masculin, je ne sais pas, mais classieux, indubitablement.

8 commentaires:

  1. Moi j'ai une photo des années 1940 avec une égyptienne nue tête, habillée comme n'importe quelle européenne ou américaine de l'époque, posant joyeusement avec un homme de ma famille qui se trouvait à Alexandrie en ce temps-là.
    D'autre part, on sait que Nasser tenait les Frères Musulmans à distance. Aujourd'hui on a frère Tariq, comme l'appelle Caroline Fourest, qui fait sa croisade islamique "under cover" en Europe alors que c'est le petit-fils du fondateur des Frères Musulmans mais personne ne le sait.
    Super, la photo.

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    1. Elle m'a tout de suite tapé dans l'oeil aussi, tellement elle nous paraît anachronique aujourd'hui ! On a tant abdiqué de choses depuis cette époque...

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  2. Si cela avait été un "barbu" qui avait dit ça, cela aurait fait le buzz

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    1. En fait, c'est la même phrase que les tunisiens voulaient introduire dans leur Constitution et à laquelle ils ont dû renoncer sous la pression des féministes tunisiennes et internationales. Effectivement, deux poids deux mesures, alors que les barbus font peur, la Morandais fait partie du paysage audiovisuel comme curé atypique et inoffensif ; il balance deux ou trois phrases transgressives ou qui paraissent telles par rapport à la doctrine catho, mais pour mieux asséner ses messages toxiques. C'est très au point comme stratégie.

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  3. Le backlash provient des États-Unis malheureusement! L'Afghanistan était sur la voie du communisme et les E-A ont préféré financer des talibans qui priveraient les femmes de liberté plutôt que de laisser ce pays aux mains des Russes.
    Sur Flora Tristan, c'est vraiment intéressant ce témoignage ! Sourtut la façon dont elle a pu nous l'obtenir... Comme quoi des femmes qui avaient du cran et se battaient contre l'oppression masculine, il y en a toujours eu !

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    1. Oui, hélas ! Les USA ont toujours eu le mauvais réflexe de soutenir les pires régimes pour éviter les communistes !
      Comme quoi le groupe La Barbe n'a rien inventé, me suis-je pensé en lisant ce passage qui m'a fait bien rigoler ! Flora Tristan a aussi inventé l'activisme ! Un modèle pour nous toutes :))

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  4. Excusez moi, pourriez vous expliciter la notion de "backlash" ?
    Je pense à retour en arrière ou est-ce autre chose?

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    1. Désolée pour cet anglais (ce n'est tout de même pas un anglicisme) : il veut dire retour en arrière avec une idée de coup de fouet (lash : partie flexible d'un fouet) ; je trouve backlash plus claquant et expressif que "retour en arrière" et il est assez usité en français. Pareil pour "empowerment" des femmes, intraduisible en français, sauf par Ségolène Royal qui a employé "empouvoirment" dans son discours de remerciement à la fondation italienne Bellisario qui lui a remis un prix, discours écoféministe à trouver en suivant le lien :
      http://www.segorama.fr/actualite/sego-news/3833-lettre-de-segolene-royal-13-emes-rencontres-de-la-fondation-marisa-bellisario-a-florence
      Merci pour votre commentaire ;))

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