samedi 25 août 2012

Billet d'été : choses vues et entendues

Près de chez moi, il y a une ferme conservatoire, appartenant au Conseil Général d'Ille et Vilaine, dont les objectifs sont de chercher, trouver et conserver des animaux et des végétaux en voie de disparition, toutes ces races et espèces régionales qui ne trouvent plus d'éleveurs, laminées par les souches INRA plus productives, comme la Frisonne/Holstein laitière de compétition, ou la poule Gallus Gallus, pondeuse en cage et poulet de chair élevé en tunnel, priés de produire un œuf par jour pendant un an, ou ses 2,6 kg de chair en 39 à 42 jours !  


















La façade du corps de ferme



















La chambre à coucher.

















Seigles et bleuets.

La fierté de la Bintinais est d'avoir remis la main il y a 30 ans, en cherchant comme des malades, sur la poule Coucou Gris de Rennes, en crapahutant dans les champs, pour finalement en retrouver trois ou quatre chez un  retraité près d'Angers, un vrai coup de bol : la race était perdue et allait s'éteindre ! 

























Un coq de la Flèche (race locale sarthoise) plumage noir et en guise de crête rouge, deux cornes de démon ! Un de ces oiseaux m'a un jour sauté dessus à la vitesse de l'éclair, griffes et bec, j'ai eu mal pendant 30 minutes ! Race rustique : sportive et adaptée, capable de se défendre.
















Et les divas (type Castafiore) du domaine :

























Unie, c'est son nom, cheval (jument) de trait breton - Robe alezan brûlé, crinière blanche.







































et Virgule (âne commun, nom de la race : l'adjectif la vexerait !) ; elle se précipite devant les caméras et appareils photos quand elle en voit !

















Vache nantaise. Elle prend réellement la pose et me regarde. Derrière elle, une vache armoricaine, belle robe rouge bordeaux.

























Veau armoricain. Mais qu'est-ce qu'ils ont à leur mettre deux boucles d'oreilles aussi grosses et ridicules ?

























Nantaise à l'étable avec son veau nouveau-né.
Comme j'avais remarqué 15 jours plus tôt un autre nantais, je demande un à des techniciens agricoles ce qu'il est devenu puisque je ne le voit plus ? On l'a vendu, me répond-il prudemment. A qui ? Heu, à l'abattoir : c'était un mâle et on n'a pas pu le garder ! Effectivement, il n'y a aucun mâle dans cet élevage (hormis un ou deux boucs -chèvres des fossés) car en élevage, "les mâles ne servent à rien", me précise-t-il ! La vérité sort de la bouche des techniciens agricoles : je note, les mâles ne servent à rien.
Comme c'est l'heure de mettre au champ pour la nuit les vaches exposées à l'étable pour les visiteurs, quelques-uns de ceux-ci se précipitent pour les voir arriver dans le pré où elles vont toutes passer la nuit. Une famille, humaine celle-ci, (la mère, le fils de 3 ou 4 ans, et les deux grands parents) est près de moi qui fais des photos et, devant les cris d'excitation du petit garçon, sa mère lui explique en voyant deux vaches près du veau armoricain : "Tu as vu le papa et la maman avec leur petit veau ?"  Dressage social hétérosexuel, en plus, c'est dingue ! Bon, là, je m'en mêle et explique posément qu'en fait c'est une vache et une génisse avec un veau nouveau-né, car "il n'y a pas de taureau dans cette ferme, les veaux mâles sont systématiquement envoyés à l'abattoir !". Juste pour faire œuvre de pédagogie, une bonne intention finalement. Je vois la dame commencer à se décolorer légèrement.
Zut, j'aurais gaffé ? Je suis trop franche ? Et effectivement : 
- Keskeldi ? demande le petit garçon inquiet. Sa mère est verte.
- La dame dit que le papa du petit veau est dans un champ à côté, traduit-elle en me regardant l'oeil noir.
Voilà. Ces industries de l'élevage et de la viande fonctionnent sur le mensonge aux petits enfants. Si on leur disait la vérité dès le début, ils refuseraient d'en manger. Quand le pli est pris, des années plus tard, plus de problème, ils avalent leur foie de veau sans se poser de question.

Ce petit film vidéo montre qu'en deux siècles de progrès humain, de haute lutte, les esclaves se sont libérés et les femmes ont conquis leurs droits civiques, grâce à des militant-e-s convaincu-e-s qui ont fait l'Histoire ! Il ne tient qu'à nous de ne pas faire de différence entre ceux que nous choyons -chiens et chats- et ceux que nous tuons, "races à viande" qui finissent dans nos assiettes. Tous les animaux naissent comme les humains, libres.



Mouton noir d'Ouessant.


samedi 18 août 2012

Brave

Je suis allée voir Rebelle, le film d'animation en ce moment sur vos écrans. Merida, Princesse brave (rebelle en français, légèrement plus connoté négatif) n'est pas une une Princesse Disney, mais une Princesse Pixar.

















Loin de moi l'idée de faire de la pub sur mon petit blog pour les grands studios Disney ou même les studios Pixar, filiales du premier. Ce serait bien prétentieux et ridicule de ma part. Mais Pixar a le chic de mettre les codes à l'envers dans ses films, et j'aime ça ! Déjà dans Nemo, film environnementaliste (rappelez-vous la bouleversante phrase des prisonniers de l'aquarium "Tous les égouts mènent à la mer !") la mère est remplacée par un papa poule et le héros est un poisson handicapé "faible de la nageoire" ; de plus, c'est une fille affublée d'un affreux appareil dentaire -la fille du dentiste- qui sème la terreur. Sans oublier que le requin de la bande essaie de devenir végétarien.

Merida, princesse des highlands d'Ecosse, fille de sa mère la reine attachée aux traditions, et de son père le roi (aucune autorité et soumis à sa femme) chevauche à cru son  charismatique cheval Angus, un solide ardennais, galope dans la forêt, et s'entraîne au tir à l'arc. Elle cure aussi le fumier d'Angus et lui bouchonne le poil, une fois tous deux rentrés à l'écurie. Ses frères, des triplés rouquins incontrôlables, complètent la famille. Il y a évidemment une sorcière à nez crochu et verrue poilue, pire, équipée en guise de service après-vente, d'une odieuse messagerie vocale avec indications de touches de renvoi vers le service désiré (commercial, technique, facturation, résiliation d'abonnement), comme dans n'importe quelle maltraitante entreprise de nouvelles technologies ! Les ravages du "progrès teknik" ! Pas pratique quand votre mère vient juste d'être transformée en ourse. La sorcière est sculptrice, elle manie donc le tour à bois, la forge et le fer à souder, outils éminemment masculins.

Trois princes charmants (?), paltoquets sans envergure ni conversation viennent concourir (en plantant toutes leurs joutes) pour la main de la belle, pour le moins rétive et résistante, mais contrainte par sa mère. Je ne vais pas raconter l'histoire : sachez que c'est drôle, enlevé, les paysages écossais sont magnifiques alternant forêts, menhirs et dolmens, soleil et brouillards. La chevelure serpentine de Merida est vivante. Aventure initiatique de deux femmes solidaires l'une de l'autre, la reine va apprendre de sa fille à retrouver ses réflexes primaux, comme par exemple manger en se servant de ses griffes et de ses dents, en se passant de fourchette. Et bien sûr, pendant qu'elles sont occupées ailleurs, le palais au main des mecs part en couilles ! Évidemment, il y a un happy ending, mais sans le dressage social hétérosexuel habituel, la fille dans les bras du garçon, avec baiser récurage de glotte. La Princesse ne rencontre pas son Prince. "Pas un mec potable, même à la fin" écrit Télérama. Elle trouvera l'harmonie et l'accomplissement seule, c'est son choix et il sera respecté. Le message est empowering pour les filles : Merida, princesse brave, liquide le Prince Charmant. A voir en famille, seul-e ou à 2, 4 ou 10 !

Liens : la critique de Télérama
Têtue : Cinq bonnes raisons d'aller voir "Rebelle" et son héroïne crypto-lesbienne

mercredi 8 août 2012

Guerre des espèces

Les vacances d'été battent leur plein, les planchistes se rassemblent en grand nombre sur les spots de surf et y font grand bruit. Les fond marins étant depuis longtemps ratissés par la flotte mondiale de pêche en surnombre, la ration de survie des prédateurs marins, dont celle des requins est menacée : ils ne trouvent plus rien à se mettre sous la dent. D'où la tentation d'aller se servir à la Réunion : les surfeurs font d'excellents casse-croûte et ils y sont nombreux et imprudents. Notre arrogante et envahissante espèce, qui se livre par ailleurs à la surpêche, a une réaction prévisible : les requins vont payer, mais sans le dire aussi explicitement ! En effet, les requins sont une espèce menacée et, de plus, le lieu est une réserve marine, autrement dit un sanctuaire. Comment se déjuger pour un état voyou qui trouve également normal de tuer des louves par arrêté préfectoral alors que la France est signataire de la Convention de Berne qui les protège ? Une trouvaille Japonaise pour tuer des baleines protégées par la CBI* va fort opportunément resservir : pêche scientifique. Le préfet de La Réunion s'en empare : on ne va pas les tuer en représailles non, on va prélever 20 requins afin d'analyser leur comestibilité ou leur toxicité ! Et qu'importe si personne n'en mange, tant que les apparences sont sauves.

Même temps, mais autres lieux, un super chalutier hollandais The Margiris, (article en anglais et photos), le plus gros que la mer ait jamais porté (142 m de long, capable de contenir 4 jumbo jets) quitte la Côte d'Ivoire où il a fini de piller les côtes africaines et fait  route vers l'Australie où des activistes ne veulent pas le voir arriver. Oui à une pêche responsable et soutenable disent-ils, non à des prises de
18 000 tonnes de poissons dont les bancs sont traqués avec des technologies militaires : sondes écho-radar, géolocalisation par satellite, avec chaluts de 300 mètres de long ! Le bycatch (prise de poissons et d'autres espèces -tortues, dauphins..., que nous ne consommons pas et qui sont rejetés MORTS à la mer) est absolument considérable et constitue un gaspillage irresponsable, une véritable boucherie d'animaux marins.

La Présidente de Sea Shepherd France rappelle fort opportunément au Préfet de la Réunion que les requins tuent infiniment moins que la violence routière machiste qui a tué sur les routes réunionnaises 757 personnes ces 10 dernières années, et que les maris violents responsables de la mort de 6 femmes en 2011. Deux poids deux mesures, double standard : les requins n'ont tué que 2 personnes en 2011, deux de trop, bien entendu, mais c'est plus facile de tuer des requins que d'éduquer les maris violents et les chauffards de la route ! Sa lettre est ICI

Et si vous ne croyez toujours pas qu'il s'agit bien d'une guerre, la vidéo ci-dessous apporte une réponse :



Liens : STOP THE TRAWLER 
A la Réunion, la France donne le la aux baleiniers japonais  
A la Réunion, depuis deux ans, les surfeurs font beaucoup de mal aux requins
*CBI : Commission Baleinière Internationale ou IWC : International Whaling Commission

jeudi 2 août 2012

Nena - 99 ballons contre le nihilisme masculin

NENA, artiste chanteuse populaire allemande, fait un tube en 1983 avec sa chanson 99 luftballons, clip ici réactualisé par ARTE pour la promotion de son Summer of th 80ies en 2009.



Je ne comprends pas l'allemand mais je crois que Nena déclenche une guerre avec ses 99 ballons dans ce tube rock allemand ! Elle parle bien sûr d'une guerre conventionnelle à l'issue de laquelle "il n'y a plus que des ruines dans le monde". Mais on peut aussi parler de guerre en cas de violences répétées contre les femmes en majorité, et contre d'autres hommes.

Les "faits divers" en sont actuellement pleins. Revue des plus récents :
"Drame familial" à Auxerre : un homme avant de se suicider tue sa famille en l'espèce sa femme, sa belle-mère et ses deux filles. Près de Rennes, dans un bourg sans histoire, un homme sème la panique pendant 45 minutes : deux morts. Évidemment, un divorce mal accepté serait l'explication du "coup de folie". La faute de sa femme en somme.  
La tuerie d'Aurora aux armes de guerre achetées légalement et son mass killer viennent secouer la torpeur de l'été : 12 morts dans un cinéma, espace public.

A chaque fois, la présentation des médias est la même. Rubrique Faits divers, "Drame", "drame familial", "drame de la jalousie", ou encore, comme dans le cas de Lætitia, violée, tuée puis démembrée, dont on a appris que son père adoptif était en plus un agresseur sexuel, pour l'opinion publique secouée les médias multiplient les micro-trottoirs où des gens bien intentionnés nous débitent des banalités qui révèlent la tolérance à ces violences : "on ne comprend pas, c'était un homme charmant", "une famille sans histoire", ou pire, "elle était tellement gentille, comment une telle chose est-elle possible" ? Sous-texte : si encore elle avait été une peau impopulaire dans son école, on pourrait comprendre, mais une telle charmante fille qui allait passer son bepc et qui travaillait si bien ! Les méchantes on peut les tuer, mais les gentilles, tout de même, c'est impardonnable ? Suivent  la mise en place de cellules d'écoute, l'accrochage de fleurs, de marches blanches bien inoffensives et des lâchers de ballons ! Cela donne bonne conscience et chacun ensuite reprend son train train quotidien... jusqu'à la prochaine.

JAMAIS un mot sur la violence infligée par des mecs frustrés aux femmes généralement, pas un mot sur la répétition de ces faits létaux dans une société indulgente aux mauvaises actions des garçons et des hommes, consensuelle larmoyante sur le malheur des femmes, éternelles victimes comme dans les mauvais romans populistes. Les mauvaises actions des mâles tonitruent dans la caisse de résonance des médias, pendant que la vertu et le calme des femmes, moins susceptibles de tels actes, sont passés sous silence, au mieux, car la diabolisation des femmes n'est jamais loin : il faut quand même qu'elles soient coupables aussi, autrement tout cela serait injuste ! La société est tellement tolérante aux graves défauts des garçons, et tellement taiseuse sur les qualités des filles et des femmes. Pire même, ils s'en tirent toujours avec des bénéfices : les productions culturelles sont pleines de leurs exploits négatifs, pendant que les femmes y vont à l'équarrissage faisant figuration en début de film ou de série comme pièces de boucherie, viande morte, cadavres décomposés. Jamais une question sur de telles représentations des femmes, ni sur la désastreuse éducation permissive des gars et celle tellement répressive des filles (voir dernier § : La rue, territoire des hommes). La loi du silence, l'omerta règnent. Or, comment lutter contre un phénomène qui n'est pas dit ni nommé ?

Malgré tout des gens moins consensuels commencent à s'exprimer à ce sujet dans les journaux et le silence se fissure : d'abord "Why most mass murderers are priviledged white men" -Pourquoi la plupart des tueurs de masse sont des hommes blancs privilégiés- en anglais. En résumé, l'article explique que les blancs privilégiés se trouvent chez eux dans l'espace public, ils s'y sentent légitimes (plus que les hommes noirs), et que les frustrés trouvent normal de s'y venger de leurs frustrations, les hommes noirs déchargeant eux la leur plutôt dans la sphère privée en commettant des violences conjugales et familiales. Question de statut et de hiérarchie entre dominants. La société cherche aussi chez les meurtriers noirs ou de confession musulmane des explications supplémentaires à la folie ou la maladie qui expliqueraient les actes violents des blancs : elle a tendance à leur trouver des motivations religieuses qu'elle ne suspecte jamais chez les blancs !
Deuxième article en français dans le Huffington Post, davantage axé sur les coupables de meurtres familiaux, une lettre ouverte de Sabine Aussenac titrée "Tes enfants tu ne tueras point" qui propose des solutions, partielles selon moi, mais qui sont au moins constructives, et ont le mérite de sortir du consensus ambiant et de la tolérance impuissante à ces violences.

Et puis, un souhait en conclusion, pour en revenir à Nena et ne pas rajouter du mal au malheur, il faut vraiment en finir avec les lâchers de ballons ! Ils sont un crime contre l'environnement. L'association Robin Des Bois dénonce cette sale habitude "pour célébrer soit des causes bonnes ou mauvaises" :  le ciel n'est pas une décharge ! Ou alors comme chante Nena, "il n'y aura plus que des ruines dans le monde".

Alors moins de lâchers de ballons, et plus de volontarisme contre les violences des garçons et des hommes à l'égard de la société et ses membres les plus faibles, il y faut une volonté politique et des actes.

Lien pour aller plus loin : A guide to mass shootings in America ou en page 2 on trouve deux femmes ! Malgré tout elles sont, comme les noirs, minoritaires dans ces actes criminels asociaux.