mercredi 20 juin 2012

Un message aux filles au sujet de la crainte que vous inspirez aux hommes religieux

J'ai traduit ce billet A message to girls about religious men who fear you de Soraya Chemaly paru le 21 mai dernier dans le Huffington Post. J'ai inclus les liens hypertextes qui sont évidemment en anglais, sans traduction, mais cela ne gène en aucun cas la lecture des non anglophones, mais permet un complément d'information aux anglophones qui le souhaitent.

"Chères filles,
Vous êtes puissantes au-delà des mots, parce que vous menacez de démystifier le contrôle d'hommes qui abusent de leur autorité.

Aux Etats-Unis la semaine dernière il y a eu des gens qui n'ont pas voulu laisser des garçons jouer la finale d'un championnat de baseball parce qu'il y avait une fille dans l'équipe opposée. Elle avait déjà dû se retirer de deux parties à cause de leurs exigences. Pourquoi ? Athlete compétitive et membre de son équipe, c'est elle qui a dû accéder à leurs exigences. Pourquoi ne leur a-t-on pas demandé à eux d'abandonner le jeu ? Quel message lui a été envoyé à elle et à ses équipières ? Ce n'est pas compliqué. Les messages envoyés était faux. Des messages confus et incohérents. Elle aurait dû avoir la permission de jouer et pas de se retirer de deux parties. Ces gens, et d'autres comme eux, partout dans le monde, conduits exclusivement par des religieux, ont peur de vous.

Vous les ennuyez sans arrêt. Si vous n'étiez pas puissantes, ils ne vous prendraient pas autant au sérieux et c'est ce qu'ils font, ils vous prennent très, très au sérieux. Vous devriez aussi. Vous pouvez mettre le monde en feu. Cela n'y ressemble pas, je sais. Si c'était vrai, pensez-vous, vous n'auriez pas à vous retirer d'une partie par respect pour des croyances religieuses qui requièrent votre soumission en appelant cela un cadeau. On ne vous refuserait pas de servir Dieu avec vos frères. On ne vous apprendrait pas que vous êtes une tentatrice maléfique ou la gardienne de la vertu des garçons. Votre virginité ne serait pas utilisée comme une arme contre vous et votre valeur déterminée par votre utérus. On ne vous cracherait pas dessus et des hommes ne vous appellerait pas putain à huit ans parce que vos bras sont nus. On ne vous empoisonnerait pas parce que vous allez à l'école. On ne vous forcerait pas dès l'âge de neuf ans à porter des jumeaux conçus par la torture. Vous n'auriez pas à vous suicider pour éviter d'épouser votre violeur. Si c'était vrai, ils poursuivraient vos violeurs plutôt que de vous lapider à mort pour leurs crimes, vous et des milliers d'autres, ils ne vous tueraient pas pour l'honneur.

Chères filles, ces choses arrivent car ils sont hommes de pouvoir qui vous craignent et veulent vous contrôler. Je sais que j'ai mis sur le même pied d'égalité de bénins jeux de baseball et de mortels meurtres d'honneur, qu'un cas est un type de micro-agression bénigne, et que l'autre est une macro-agression léthale, mais elles partagent les mêmes racines.  La base des deux, et l'escalade entre les deux est la même.  Il s'agit de vous apprendre ainsi qu'à toutes les filles sujettes de ces hommes et de leur autorité une leçon : « Saches où est ta place ». Je sais aussi qu'il y a des endroits qui ne sont pas religieux où les filles sont blessées et marginalisées. Mais partout dans le monde ces hommes hypocrites et pieux, dans leur honteuse et évidente tromperie, représentent le bord acéré de l'iceberg, la surface visible d'un mal profond et vaste. Ils emploient la totalité de l'influence terrestre et divine pour s'assurer le plus tôt possible que vous et les garçons autour de vous comprennent ce qu'ils souhaitent de vos rôles respectifs. Où il a des religions patriarcales, les filles, à des degrés variés et extrêmes, souffrent de façon disproportionnée. Comprenez ce que sont ces hommes : des molesteurs. N'intériorisez pas ce qu'ils veulent vous faire croire.

Votre existence même les rend anxieux. Et leur anxiété est particulièrement haute car vous avez quelque chose qu'aucune génération de filles n'a eu avant vous -des communautés globales connectées d'hommes et de femmes qui soutiennent vos droits à l'égalité et à la liberté. Comme dans « Effondrement, comment les sociétés décident de leur disparition et de leur survie » (Guns, germs and steel), cette technologie de la transformation qui me permet de vous écrire ici, altère la géographie, change les sociétés et démantèle les systèmes de contrôle- elle fait du monde un endroit plus petit, et crée même si c'est lentement en quelques endroits des changements positifs pour les filles comme vous. Voyez-vous, jusqu'à maintenant, ces hommes pouvaient vraiment compter sur le fait que vous et les femmes autour de vous étaient enfermées à la cuisine et isolées. Pas mal d'entre elles le sont encore. Mais maintenant, il y a des millions et des millions et des millions de gens qui pensent à vous et qui défient ces hommes chaque jour. La vitesse de la lumière est de votre côté et, à moins que quelqu'un éteigne la lumière de façon permanente, ces jours sont derrière vous. Aussi, même si vous pensez être seules, vous ne l'êtes plus.

Comment les menacez-vous ? Une fille, seule ? En étant capable, forte, confiante et oui, sans honte. Vous pouvez ne pas être « naturellement » intéressée par la domesticité, la piété, la pureté ou la soumission, alors qu'ils comptent sur votre engagement à ces choses pour ordonner leurs mondes. Leurs actions, d'un bout du spectre à l'autre, sont concues pour vous remplir de doute et enfin, de peur -physique ou spirituelle- car autrement vous et les jeunes garçons autour de vous seront pleinement conscients de votre force et de votre potentiel. A cause de cela, ils concentrent leur attention sur vous, votre corps, vos vêtements, vos cheveux, vos capacités, votre liberté physique. Quand leurs « manières » et leur « morale » ne sont pas universellement applicables, mais différentes pour les garçons et les filles, soyez sûres que c'en est la raison. Ils cherchent à vous apprendre subtilement, à travers de petites attentes de genre que vous êtes différentes, faibles, sans valeur, incapables. Ce qui est triste dans leur perception des choses, c'est que si vous n'êtes rien de tout cela, alors ils ne sont pas forts, valeureux ni capables. Ce n'est pas une excuse mais une explication. C'est pourquoi, ils trouvent d'infinies et bénignes façons de vous affaiblir et de vous déprécier, le tout au nom de la « parole de Dieu ». Quand cela ne marche plus, ils ont recours à la violence. Partout dans le monde, leur anxiété se manifeste dans un spectre d'actions qui vont du paternalisme bienveillant, respectueux de « frontières décentes » jusqu'à une mortelle application de leurs règles.

La peur est la raison pour laquelle les hommes font des enquêtes officielles sur des Girls scouts alors qu'ils abritent en toute perversité des violeurs d'enfants. C'est la raison pour laquelle ils sont obsédés par votre pureté. C'est pourquoi ils vous séparent dans les lieux publics et privés. C'est pourquoi ils instruisent les filles et les garçons que les corps des filles sont soit honteux et sales, ou sacrés et appartenant aux hommes. La peur les motive à enseigner que vous polluez les autres par votre nature même. Elle les fait s'assurer que vous restiez à la maison et que vous ne soyez pas pleinement engagées dans le monde. Elle les conduits à marier des filles de 8 ans à des vieillards. Elle les convainc que le viol et ses conséquences sont des « dons de Dieu ». Elle explique qu'ils donnent pouvoir à d'autres de vous lapider à mort et de vous défigurer à l'acide. Chaque attaque contre le gay chez les enfants, notamment les garçons qui sont « comme vous » vous est destinée. Car si les garçons sont « comme les filles » que ces hommes considèrent comme fondamentalement inférieures, alors vous pouvez aussi être « comme des garçons ». Cela induit une ambiguité et détruit leurs hiérarchies posément construites et cela leur est intolérable.

La peur justifie qu'ils insistent sur quelque chose de fondamentalement mauvais chez vous. Ne les croyez pas. Leur peur justifie que vous couvriez votre corps. Il n'y a rien de mauvais dans votre corps et il n'est pas à blâmer. Que vous choisissiez de l'exposer ou de le couvrir, examinez votre choix à l'aune de la réduction de votre caractère à une sexualité étroite par une culture qui refuse de tenir les hommes comptables de leurs actions et requiert de vous offrir au plaisir des hommes ou de vous retirer du monde et de vous tenir en réserve. Quoi qu'il en soit, demandez vous qui définit votre valeur et par quelle mesure. La peur leur fait dire que vous êtes tellement différentes des garçons. Vous, et les garçons que vous connaissez, comprenez que vos corps sont différents, mais que vous êtes plus similaires que dissemblables. Menacés, insécurisés, les hommes adultes disent autre chose. Ne vous rendez pas. Même si vous êtes tranquilles, sans vous sentir menacées. Les différences que les autorités religieuses exagèrent sont simplement les pilliers de l'oppression qu'ils utilisent pour apprendre aux garçons et aux filles que la soumission des femmes est « naturelle » et « divine ». Rejetez les ainsi que leurs idées. [...]

Les adultes autour de vous peuvent ne pas paraître vous soutenir quand vous voulez imposer votre humanité. Ne leur permettez pas de s'en tirer. Ne les laissez pas utiliser la "tradition" comme excuse, ou dire que "vraiment ça n'a pas d'importance". Ne les laissez pas s'en tirer quand ils vous demandent de vous "retirer du jeu", d'être "une bonne fille", de ne "pas faire d'histoires", ou de "vous mettre quelque chose sur le dos". Ce sont de micro-agressions qui résultent en macro-agressions. Vous pouvez dire "Je ne fais rien de mal. C'est vous et votre monde qui êtes mauvais".  [...]

You are not alone and you are brighter than the sun.
Vous n'êtes pas seules et vous êtes plus brillantes que le soleil."
Soraya Chemaly

2 commentaires:

  1. Le contrôle inquisiteur et omniprésent des religieux ressort très fort de cet article de Soraya Chemaly. Mais à y regarder de près, cette inquisition nous la subissons de la part des ultralibéraux. Ils ont aussi peur que les religieux des femmes et de leur liberté. Il faut donc les déstabiliser en permanence, les occuper, les préoccuper, que dis-je les préoccuper ? les obséder avec leur apparence, leur dire à chaque instant qu'elles sont laides et indésirables en leur martelant que la crème de beauté machin va les rendre belles et désirables (ce qu'elles ne sont donc pas CQFD). Cela les esclavagise doublement. Elles deviennent le support de l'ultralibéralisme tout en en étant les victimes.

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    1. Bien sûr ! Tous les moyens sont bons pour nous maintenir dans la dépendance : micro-agressions (vous êtes moches, trop ceci, pas assez cela...) et macro-agressions : viols (si vous sortez dans la rue qui appartient aux mâles, vous prenez vos risques) et meurtres désignés comme "d'honneur" ou "passionnels", qualificatifs destinées à minimiser. Le patriarcat est une entreprise de démolition.

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