jeudi 3 février 2011

Hypathie à la ferme

Oubliez vos souvenirs bucoliques d'enfance, elle est hors-sol et industrielle la ferme en question ! Le "progrès" est passé par là. Une exploitation vide pour l'instant, avec des cages et des caillebottis tous neufs, des mangeoires avec dispositif électronique pour identifier le cochon qui mange, combien il mange et combien il faut lui en resservir, parce qu'elle -c'est une femelle- a environ 17 bébés cochons* dans le ventre, identification grâce à une puce RFID** qui enregistre tous ses déplacements : dans certains endroits on avait expérimenté un collier avec puce intégrée, mais on s'est aperçu que quelques gourmandes malignes, trouvant un collier d'une congénère tombé par terre, le ramassaient et allaient se resservir une ration au détriment de la copine dans sa mangeoire, donc à l'oeil ! Pas de ça Cocotte, finie la triche avec ces puces implantées dans l'oreille ! L'éleveur a trouvé la parade, il est plus malin que les cochons, pour l'instant, un point partout.

Inauguration et visite portes ouvertes d'une ferme industrielle pour 900 truies gestantes produisant 22 000 porcelets par an, (et des tonnes de déjections provoquant des proliférations d'algues vertes !), le tout à la norme de la nouvelle Directive européenne 91/360/CEE, directive applicable à tous les élevages au 1er janvier 2013. Nous sommes donc allés voir comment ça se présente un élevage sous la nouvelle directive :
3 nanas et deux mecs, de vrais dangers publics ! En tous cas, c'est ce que pensaient les gendarmes qui nous ont trouvé-e-s au point presse et nous ont prié de les suivre : ils nous ont escorté-e-s vers la sortie et ont bien veillé à ce que nous nous éloignions du théâtre des opérations ! Quel honneur pour 5 militants de la cause animale ! On ne rigole pas dans le lobby de l'élevage industriel. J'y ai droit presque à chaque fois : espérons que pendant ce temps là, il n'y ait pas de femmes en détresse qui attendent tous leurs soins ?

Nous sommes revenu-e-s par la même porte l'après-midi, il n'y avait plus de gendarmes !

Mon propos n'est pas d'ennuyer mes lectrices avec les détails techniques et fastidieux des textes européens ; je souhaite juste faire prendre conscience (si tant est que ce soit appréhendable sans se rendre sur place !) de la réalité de l'élevage industriel, par juste un exemple. Pour 900 truies il est prévu 3 verrats m'a dit l'éleveur. Ils servent à faire revenir les chaleurs après la mise bas, ils n'auront jamais le loisir de les approcher ; je vous laisse imaginer leur frustration. En effet, elles seront inséminées artificiellement par un technicien, coincées dans une stalle d'où elles ne pourront pas bouger pendant 5 jours, le "temps que ça prenne". Comment sait-on qu'elles sont en chaleur ? C'est là que les verrats interviennent : ils sont trois dans leur stalle. A hauteur du groin de la femelle, il y a un trou cylindrique de 20 cm environ laissant passer l'odeur du mâle ; elles viennent donc y tourner dès la reprise des chaleurs (désormais en 2013, elles seront conduites en groupe, désincarcérées de la stalle qui les emprisonnait à vie jusqu'à maintenant -une victoire des défenseurs des animaux) devant la stalle des mâles. Au-dessus du cylindre, il y a un lecteur de puce (RFID**, rappelez vous) qui va identifier la truie et décompter ses passages et son temps de stabulation devant les mâles. Au bout de 3 passages et/ou de 14 minutes de stationnement, la machine lui envoie un jet de peinture sur le groin, jet de peinture qui va permettre à l'éleveur ou au technicien de l'élevage de la repérer et de l'inséminer artificiellement lui-même avec des paillettes de sperme -voir plus haut.
Pas le droit de faire chabadabada, chabadabada, alors ? Ce n'est pas possible dans les élevages industriels : attendre les sentiments, ça fait perdre du temps, justement. Et le temps, c'est de l'argent comme dit mon banquier.
L'animale niée dans ses besoins comportementaux et sociaux, enfermée dans un élevage concentrationnaire va vivre une vie de mises bas (2,8 par an en moyenne), d'allaitements de 21 jours et de ré-inséminations, et au bout de trois ans, à condition qu'elle "coopère" en "prenant" sans barguigner les inséminations, on va la réformer, en technolecte, l'envoyer à l'abattoir dans le langage commun. Les porcelets de 21 jours seront sevrés et brutalement enlevés à leur mère : ils iront à l'engraissement dans des exploitations industrielles sur caillebottis elles aussi, produisant des "porcs charcutiers" abattus eux vers l'âge de 4 à 6 mois, c'est à dire très jeunes ! Ce sont nos règles pour le parc animal.








Merci à Yves et Brigitte pour les photos. Double cliquer pour agrandir.

* Dans un élevage normal, elles auraient entre 7 à 10 petits -elles ont 12 tétines, 6 de chaque côté, mais dans un élevage hors-sol avec la stimulation ovarienne, elles peuvent mettre bas de 17 à 21 tout petits porcelets qui occasionnent des pertes : ils sont très petits et certains meurent dans la journée car ils ne sont à peine viables.
** RFID : Radio Frequency IDentification

Lien vers le blog de Clumsybaby qui a lu le dossier des Inrockuptibles sur la viande qui tue.

Je laisse la conclusion à Elizabeth de Fontenay qui citant Jacques Derrida, philosophe qui rappelle "qu'un anéantissement des espèces est à l'œuvre. Sans la prise en compte du silence des bêtes, les chemins de l'humanisme ne mènent nulle part. "

Bibliographie et ressources :
Eating animals ou Faut-il manger les animaux en français de Jonathan Safran Foer
Règles pour le parc humain de Peter Sloterdijk***
L'Animal que donc je suis de Jacques Derrida
Le silence des bêtes et Sans offenser le genre humain de Elizabeth de Fontenay (ces 4 derniers sont des ouvrages de philosophie)
Bidoche de Niccolino dont j'ai parlé ICI.
Notre poison quotidien de Marie-Monique Robin, prochaine diffusion sur Arte le 15 mars 2011 à 20 H 40.


*** Je l'ai dévoré en une heure : après avoir constaté la mort de l'humanisme en 1945 à Auschwitz, le philosophe allemand Peter Sloterdijk  jette un regard impitoyable de lucidité sur l'avenir du troupeau humain -aka le parc humain.
PS Je ne suis pas parrainée par Amazon pour les liens vers son site.

9 commentaires:

  1. Même si je sais que ça existe, que c'est la triste réalité, le contenu et les photos de ton post me dégoûtent, me révoltent et me désolent beaucoup. On devrait avoir honte.

    Oui, il faut toujours plus de charcutaille et autres rôtis pour remplir des estomacs toujours affamés, ceci à bas prix et mauvaise qualité, en créant de la concentration animale dont on se fout royalement, car seul le " produit " compte.

    Quand on sait combien un cochon est sensible et intelligent (certaines fois plus qu'un chien), à quoi peut-il penser d'être parqué là-dedans??

    A noter que c'est un cochon à l'état vivant qui devient porc une fois mort: peut-être pour la rime...:/

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  2. Je t'ai envoyé des photos d'une manif sur ce thème, j'espère qu'elles te sont parvenues. Le copain avec lequel j'étais à la manif contre l'élevage industriel ne savait pas que l'on castrait les porcs sans anesthésie. Il a réfléchi un intant et il a dit : "Ouais mais ils ne ressentent pas les choses comme nous !" J'ai cru mal entendre mais c'est bien ce qu'il a dit et bien ce que les gens pensent pour ne pas renoncer à bouffer cet animal. Ils refoulent la reálité, c'est plus pratique. Du coup les camps de concentration et d'extermination destinés à nos amis porcins se perfectionnent...

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  3. @ Angèle, je confirme que le cochon est considéré comme intelligent, et... extrêmement sensible au stress, pour un oui ou un non, son sang charrie de l'adrénaline qui fait partir sa "viande" en eau à la cuisson. Ne surtout jamais le maltraiter, il devient... immangeable !

    @ Euterpe : je confirme qu'ils sont castrés sans anesthésie jusqu'à 7 jours après ça devient illégal ou alors, c'est véto, bloc opératoire et tout le tremblement. Mais la castration chirurgicale sans anesthésie vit ses derniers mois, la loi européenne va changer... On va vers la castration hormonale. Pfizer à un vaccin tout prêt. Et ton copain manifestant, en toute amitié pour lui, il a dû penser à ses propres bijoux de famille, aïe, aïe ! :P

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  4. Les coqs sont également castrés à vif pour devenir des chapons à Noël, on les ouvre, on va chercher dedans et on leur coupe à la pince! Et hop à l'engraissage!!

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  5. @ Angèle : oui, castration à vif des chapons, porcelets, caudectomie -coupe des queues-, ébecquage des poussins pour éviter le piquage (c'est douloureux aussi puisque les oiseaux sentent et expérimentent avec le bec), écornage des vaches très douloureux à l'acide,... bref, toutes ces tortures leur sont infligées car la densité est telle que les animaux deviennent agressifs envers leurs congénères dans les élevages hors-sol. A rapprocher de votre comportement dans le métro aux heures de pointe où vous devez en permanence vous contrôler...
    @ Euterpe : je t'ai répondu sur ton adresse mail pour la première partie de ton commentaire.

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  6. Les êtres humains sont pires que les porcs, nous en avons donc la preuve à travers ce traitement de l'animal.
    Cela dit, la méthode de castration des porcs est atroce, c'est certain, mais je ne suis pas trop pour le traitement hormonal pour castrer les porcs comme le dit Euterpe, car nous avalerons alors ces hormones et nos hommes risquent de devenir très... féminins...
    je pencherais plutôt pour un endormissement des bêtes à castrer, comme pour les chats ou autres animaux domestiques.
    En tout cas bravo pour ton article, il dégoûte vraiment des techniques d'élevage et dénonce bien cette cruauté qui caractérise l'être humain, pour des raisons, disons-le strictement financières. Il est grand temps de changer de système.

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  7. @ Bettina : Les êtres humains ne sont pas pires que des porcs puisque les porcs ne font pas aux êtres humains le quart de ce que LEUR font les humains ! :)))
    Effectivement, l'Improvac de Pfizer est à base d'hormones femelles et la "fenêtre" d'injection est primordiale pour que les hormones se résorbent avant l'abattage mais sans qu'ils se produise de croissance des testicules si ce délai est trop long. Résultat : durée de vie plus courte pour le cochon charcutier. Mais tout cela est littérature : les mangeurs de "viande" produite hors-sol et même ailleurs mangent des bêtes malades, estropiées et donc surmédicamentées.

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  8. A propos des cochons, je galège, j'adore les animaux... évidemment, c'était histoire de "formule", il est impérieux dans ce cloaque de garder l'humour, sinon, il y a longtemps que je serais morte...:)

    Certes, pour les dégueulasseries que les gens avalent, mais pas besoin d'en rajouter donc, même pour protéger les animaux (c'est choquant pour l'esprit). Il faut donc trouver un autre moyen... les scientifiques doivent cogiter, ils sont là pour ça normalement, pour que l'humain progresse et donc le respect de tous les "règnes".
    On ne peut pas vouloir soigner le mal par la même chose, sinon, on tourne en rond, et là, ça ne me dit rien qui vaille...
    A plus

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  9. @ Anicée (nouvelle membre) : euh, je ne sais pas faire pour envoyer un message ! Donc, je poste dans les commentaires. Merci de votre intérêt pour mon blog ; je vais essayer d'être à la hauteur ! :)))))

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