vendredi 28 janvier 2011

Au coeur de l'industrie : une journée au Bureau d'Etudes

Une journée ordinaire d'ingénieure commerciale dans un bureau d'études (BE) qui propose des prestations de Recherche et développement (R & D) à des industriels. Je suis à mon bureau où je prends mes rendez-vous. Le standard est tenu par une assistante, mais quand elle n'est pas là, les réponses aux appels se répartissent en cascade sur le commercial junior (stagiaire) et puis sur les autres commerciaux par ordre de séniorité. Ça a l'air compliqué mais ça marche !

Justement le téléphone sonne et entendant trois sonneries, je décroche : Bureau d'études Machin Truc Associés, Bonjour. Une très urbaine mais ferme dame au bout du fil me demande de parler à Monsieur Laurent Machin ou Emmanuel Truc, les deux dirigeants. Bien sûr, je vais voir s'ils sont là, qui les demande ? Vous remarquerez que j'évite soigneusement les très classieux keskecé, cétakelsujè dédiés habituellement aux malheureux qui ont l'impudence d'appeler une entreprise française ! Oh, bien sûr, je suis Madame Piedboeuf de l'entreprise Gros Camion de Z, je suis la Directrice des Achats, me répond-elle.

Une dirigeante et de leur principal client encore, ils ont en effet, je ne sais par quel miracle -il y a manifestement un petit dieu qui compatit au sort des petits entrepreneurs-, ils ont donc l'entreprise Gros Camion, fabricant international de poids lourds dans leur porte feuille client !

Je fais immédiatement sonner le téléphone de Emmanuel Truc, LE dirigeant en chef du BE, en pure perte, naturellement. Il n'est pas là, de toutes façons il n'est QUE 9 H, et il n'arrive jamais avant 10 H, puisqu'il vaconduirelesenfantsàlécole, concession à Madame sa femme, ce qui lui permet de traîner le soir au bureau jusqu'à point d'heure.
Quand à Laurent Machin, je fais sonner aussi, mais je sais que c'est peine perdue, personne, absolument personne ne sachant jamais où il est, d'ailleurs tout le monde subodore qu'il est aux fraises au printemps et aux champignons ou aux châtaignes l'hiver, en fonction de la météo, puisque son emploi du temps est l'une des choses les plus opaques de l'entreprise. Et je reviens vers mon interlocutrice, prends le message et les numéros de téléphone en promettant de suivre l'affaire. Réflexe professionnel : si c'était un de mes clients, j'apprécierais qu'on en fît
autant ! Je laisse des voice mails partout, double par des mails dans leurs boîtes respectives. Je ne les verrai ni ne les entendrai de la journée.
Le soir, vers 18 H, prise d'un doute, je rappelle les boîtes vocales, relaisse des messages, mets des post-it sur leurs portes ou leurs bureaux, vérifie avec l'assistante OU ils peuvent bien être, elle n'en sait  RIEN.

Je me doute toutefois d'où se trouve Emmanuel Truc : sa principale activité chronophage, c'est la quête auprès d'organismes paroissiaux fournisseurs de subventions, prêts à taux bonifiés  (OSEO-ANVAR) et autres statuts avantageux de JEI (Jeune Entreprise Innovante) et CIR (Crédit Impôt Recherche -niche fiscale depuis peu) que ces bonnes filles que sont la Région, l'Etat et les collectivités locales leur accordent généreusement -sans aucune contre-partie éthique, je suis dans une boîte de mecs, la seule de mon espèce, sous stricte surveillance. Et ils sont plus doués pour faire la quête aux aides publiques* qu'à aller prospecter les entreprises du bassin économique pour rapporter du chiffre d'affaires. Je suis pratiquement dans le couloir vers la sortie quand mon téléphone sonne : c'est Laurent Machin qui veut savoir si quelqu'un a rappelé cette dame pour laquelle j'ai laissé des messages ! Je suis au bord de l'explosion ; je lui dit n'en rien savoir et j'attire son attention calmement sur l'importance me semble-t-il de la rappeler, vu ses responsabilités. Je ne vais quand même pas être obligée de lui faire un dessin ?
- Mais qui c'est cette bonne femme, d'abord, et qu'est-ce qu'elle veut ? entends-je dans mon combiné, je n'en crois pas mes sens ! D'habitude on a affaire à Mr Bidule, pas à une bonne femme ! (sic).
Non mais c'est inouï ! Je hasarde que peut être Gros Camion a changé de DirectRICE des Achats ou alors que jusqu'à maintenant Machin Truc Associés avait affaire à la brute qui bourre la chaudière, Monsieur Bidule, en le prenant pour une pointure de la Direction, une sinistre habitude des boîtes de techniciens qui confondent ingénieur avec décideur-e ?  Et que la CHEFFE a décidé de reprendre les choses en mains ? Autrement exprimé, mais l'idée y est.
La conversation terminée, je rentre chez moi, qu'ils se débrouillent.

Le lendemain matin, je prépare ma journée : je vais DEHORS, en visite clients, ouf, ça va me faire des vacances. J'ai horreur d'être enfermée. Je vérifie que j'ai tous mes dossiers, mes documentations, cartes de visite, et... tout étant au cordeau, je monte à la cuisine vers 9 H 30 me faire un café mérité. La cafetière potpotpotpote sur son support électrique, ça embaume. Je suis à peine servie que je vois Emmanuel Truc entrer, le poil humide, des valises sous les yeux, il doit avoir la truffe sèche, signe de fièvre, et son épi rebelle pointe comme une antenne irrésistiblement attirée par la cafetière. On dirait un bédouin qui a trois semaines de désert dans les sandales et qui rencontre enfin un point d'eau ! Bin dis donc, mais qu'est-ce qu'il fait de ses nuits ?

Bonjour, Emmanuel ! -Hon, hon, l'entends-je répondre. Décidément, c'est grave, je vais le laisser boire son remontant, attendre qu'il fasse effet (et par voie orale ça peut prendre du temps, peut-être que par voie sous-cutanée ou en intra-veineuse ?) en sirotant le mien. Après tout, on pas obligés de tout le temps se parler.
- Au fait, on a eu Madame Piedboeuf au téléphone !
- Ah, bon, ce n'était pas grave au moins ?
- Elle voulait juste nous voir, et comme on l'a jointe hier soir à 20 heures, ça a fait un peu court, on avait RV avec elle ce matin à 8 heures ! Vous aviez raison, c'est la nouvelle Directrice des Achats.
Dit d'une voix un peu faiblarde. Donc, elle les a bien convoqués et les a fait venir ventre à terre pour se présenter eux et leur boîte, et dès potron minet en plus. Je commence à comprendre : il s'est levé aux aurores et a dû négocier au débotté avec Madame (qui a un poste de cadre et les impératifs qui vont avec dans un entreprise du coin) le convoyage des enfants à l'école !  Mon intuition était la bonne. Ça réchauffe, ce genre de nouvelle : si j'avais été Piedboeuf, j'aurais exigé une rencontre à 7 heures, histoire de bien marquer qui tient qui par les couilles (Promis, dans le prochain billet j'évite le mot couille). Je me dis que j'ai raté une vocation de directrice des achats, et que je vais m'en mordre les doigts tous les jours que fera la Grande Déesse Cosmique désormais ! Quel beau métier tout de même !
* On estime qu'entre 40 à 80 milliards d'euros "tombent" sur le entreprises en une année sous diverses formes : subventions, prêts à taux bonifiés, exonérations de charges ou de taxes, crédit d'impôts divers, le tout sans aucun contrôle ni aucune obligation étique (parité hommes-femmes, embauche de handicapés, ouverture de postes aux français d'origine différente, non discrimination des eros minoritaires, bonnes pratiques environnementales et sociales, etc...) !























Mes références à Amazon ne sont pas sponsorisées.

dimanche 23 janvier 2011

L'émancipation et le travail des femmes en dates

Rappel des dates qui font l'histoire des femmes au travail et de leur émancipation (?). AH AH.

(Actualisation au bas du billet au sujet du jugement régressif rendu par la Cour d'Appel d'Angers sur la maternité sous X)


































L'infographie est de Mode(s) d'emploi que je remercie. Regardez bien dans les marges. Le billet concerné est ICI.

Voyons un peu : 1972 : Loi imposant égalité de salaire et de traitement entre les hommes et les femmes. Warf, Warf, Warf ! 40 ans après, les salaires des deux restent DIFFERENTS de moins 20 % en moyenne au détriment des femmes, et c'est apparemment incompressible malgré le renforcement de la loi en 2006. Et ce n'est pas la Récession provoquée par le krach financier de 2008 qui va faire changer les choses : en période de récession, les femmes sont de préférence priées de laisser la place aux mecs, sur un marché de l'emploi en "crise", et de mettre leurs revendications sous le boisseau. Rappel : les salles de marché des banques/casinos sont peuplées à 99 % d'hommes ! Ils sont ipso facto responsables, et c'est leur "crise" ! Ils devraient en bonne justice être les seuls à payer l'ardoise, mais ce n'est pas le cas ! Après avoir fait sauter la banque, privatisé les profits et mutualisé les pertes, ils continuent à se faire des couilles en or, et ils spéculent maintenant sur les matières premières, dont les céréales et les légumineuses que nous mangeons !

Loi Roudy de 1983, décret d'application juillet 1983 : interdiction de mentionner dans une offre d'emploi quel que soit les caractères du contrat de travail envisagé ou dans toute forme de publicité relative à une embauche, le SEXE ou la situation de famille,... refuser d'embaucher une personne, prononcer une mutation [....] en fonction du SEXE ou de la situation de famille, prendre en considération le SEXE ou la situation de famille notamment en matière de rémunération [....].
Lors de la parution du décret d'application de la loi Roudy, mon patron de l'époque m'avait envoyé par courrier postal une engueulade préventive à propos de cette loi, précisant que si j'insérais une offre d'emploi de sage-femme* sans la mention H/F ou "le poste est ouvert aux deux sexes" on verrait ce qu'on verrait ! Que ça barderait sérieusement pour mon matricule ! Depuis, si j'avais touché 10 euros à chaque fois que j'ai lu dans un offre d'emploi "homme de terrain", "homme de dialogue", ou homme de tout ce que vous voulez (contrairement à ce que nous expérimentons tous les jours, l'homme est adaptable (dingue !) à toutes les sauces dans les publicités de recrutement !), je serais à la tête d'un bas de laine conséquent. Sans que la DDTE, le commissariat de police, le procureur de la République, la Halde,... alertées ne remuent leur gros derrière. Les bonnes femmes, ça fait secrétaire, caissière et infirmière et c'est juste un salaire d'appoint. Point. Circulez !
Il serait temps de se pencher aussi sur les pratiques racistes, sexistes, âgistes des cabinets de recrutement, ces parasites des ressources inhumaines, qui sont (mal) payés pour faire les basses besognes que les entreprises n'osent plus faire elles-mêmes ! Et notez que mentionner votre situation de famille et le nombre de vos enfants n'est pas obligatoire ni conseillé sur votre CV, cela relève de votre vie privée.

1986 : Légalisation de la féminisation des noms de fonction : vaste rigolade, on meurt de rire ! Même les femmes refusent de les porter au féminin les noms de fonction ! Le féminin n'est pas légitime, le masculin qui l'emporte sempiternellement sur le féminin (règle de grammaire idiote, imbécile, sexiste et ringarde) nous a spoliées du magistère de la parole, donc notre parole ne porte pas, nos opinions sont sujettes à caution (mâle de préférence), mettre un E à un nom de métier masculin relève de la transgression, et directRICE serait moins bien que directEUR, LA ministre et LA maire, ça ferait tarte et serait contraire aux règles de la langue (voir les opinions d'académiciens sous bandelettes poussiéreuses), comme si une langue n'appartenait pas à sa locutrice et que celle-ci peut donc lui faire dire ce qu'elle veut, du moment qu'elle se fait comprendre, et que les règles de grammaire sont juste des conventions. Alors un peu d'audace ?

2000 : Parité en politique : avec amendes ridicules pour les partis qui n'obtempèrent pas ! D'ailleurs, supprimons les amendes et imposons l'application. Car ils ont toujours un homme qui fait mieux l'affaire, les femmes sont invisibles et ne sortiraient pas du lot. Et puis, les femmes collent les timbres et assurent tellement mieux l'intendance des partis. Résultat minable aux deux assemblées : 18 % de femmes députées et  21,8 % de femmes sénatrices.

2001 : Loi Génisson : l'égalité hommes/femmes rentre dans les négociations annuelles en entreprise. Bon, OK. En attendant, j'ai demandé il y a deux ans et demi à mes banques de me donner le lien internet conduisant à leur bilan social, histoire de voir les répartitions de postes par genres, les écarts de salaire éventuels, qui bénéficie de la formation..., et qui la joue casino avec mes économies. J'attends toujours malgré mes relances. Allo ? La Terre ?
Pas de réponse ? Message personnel : vous ne perdez rien pour attendre, la vengeance est un plat qui se mange froid, très, très froid.

2010 : Loi Copé Zimmermann instaure un quota de 40 % (pourquoi pas 50, ils ne savent pas compter ?) dans les boards des entreprises du CAC 40 d'ici 2016. Encore une mesure dilatoire qui ne sera pas implémentée : Copé dans le nom d'une loi, je ne sais pas pourquoi, je le sens mal. Cumulard par excellence, il envoie un mauvais signal d'emblée aux patrons et administrateurs qui ne voient pas pourquoi ils laisseraient leur place à une femme. Parce qu'il s'agit bien de cela : les places sont limitées, ils doivent donc s'effacer pour nous laisser passer !

Au fait, quand les job boards se font leur salon de recrutement en nouvelles technologies (qui n'ont de nouvelles que le qualificatif, en pratique, c'est l'usine de papy gadzart !), ça donne l'affiche ci-dessous : (précision, parce qu'apparemment ce n'est pas évident pour tout le monde un homme seul sur une affiche de forum de recrutement, ça signifie que les femmes n'y sont pas les bienvenues ! Moi, je le lis comme cela). Pareil pour les têtières de cabinets de recrutement -VOIR ICI-, où les femmes, quand il y en a, sont deux pas derrière !

























* Dans sage-femme, contrairement à ce que presque tout le monde pense, le mot femme ne réfère pas à la praticienne MAIS à la parturiente. Un homme qui exerce ce métier porte donc naturellement le nom de sage-femme.

Actualisation au sujet du jugement d'Angers sur l'Accouchement sous X à lire ICI :
Dans cette période de backlash décidément bien dure aux femmes, le jugement rendu dans l'affaire des grands-parents qui demandaient la garde d'une enfant née sous X et qui l'ont obtenue, il ne fait définitivement pas bon être mère dans ce pays ! Leurs droits sont constamment bafoués. Et elles sont toujours considérées comme incapables de prendre seules la bonne décision en ce qui concerne leurs enfants, éternelles écervelées mineures qu'elles sont. Ce jugement d'Angers introduit une brèche dans le droit à l'accouchement sous X. Une femme qui avait offert de pleine volonté à son enfant un avenir qu'elle ne pouvait lui assurer elle-même en le proposant à l'adoption, vient de voir rompu le secret à la demande des grands-parents, qui bafouent par là même la volonté de leur fille. C'est le triomphe de la biologie et des liens du sang, une autre régression dans cette époque régressive.

mardi 18 janvier 2011

Deux sexes et rien d'autre ?

A l'occasion de la diffusion de "Naître ni fille ni garçon" diffusé sur
France 3 le dimanche 21 novembre dernier, excellent documentaire que j'ai vu, et dont malheureusement je n'ai pas trouvé d'extrait, les réflexions sur le genre s'imposent enfin à la société. Une fois évacuées les problématiques de santé, de malformations dues ou non à la pollution de l'environnement, les problèmes psychiques et sociaux que tout cela pose et qu'il n'est pas question de nier, il est tout de même frappant de voir qu'après avoir surmonté sa gêne face aux intersexués, la société nous met en devoir à tout moment de spécifier clairement à quel sexe nous appartenons ! Et ça laisse l'impression tenace que tout cela sert à savoir qui va faire le secrétariat et les cafés au bureau, se taper les travaux ménager et la cuisine, et qui va aller chercher les enfants à l'école en faisant un détour par la boulangerie en rentrant !

Pour mieux expliquer ce que je viens d'écrire, je me réfère à d'un débat sur France 2 abordant le sujet, où un militant intersexe, Vincent (qu'on aperçoit dans l'extrait vidéo ci-dessous) faisait bien comprendre aux téléspectateurs comment on lui avait fait spécifier un sexe à coup de médicaments et de chirurgie, sans rien lui dire au préalable ni sans recueillir son consentement, histoire de le/la faire sortir de l'indécision (!!) où la biologie l'avait placé-e, où il utilisait clairement les mots normalisation, assignation et mutilation, en insistant parfaitement sur la différence entre sexe et genre, le genre étant le sexe social avec hiérarchie entre le masculin et le féminin. Évidemment, je laisse au médecin qui prétend qu'il y a un cerveau masculin et un cerveau féminin la responsabilité de ce qu'il dit. On n'est pas obligé d'adhérer.

Médicalement parlant, l'indifférenciation sexuée toucherait une naissance sur 700 à 2 000 en fonction des affections, et il y aurait 8 caryotypes sexuels différents dans l'espèce humaine ; le sexe féminin est bien premier parce que tous les fœtus sont féminins jusqu'à la 7ème semaine, moment où se produit un signal du cerveau qui différencie, sauf accident (mais est-ce un accident ou est-ce nous qui l'appelons ainsi ?) entre la 7ème et la 8ème semaine les organes sexuels sous l'influence de la testostérone. On a fait du chemin depuis les temps où Aristote (un grand ami des femmes) "décréte que la mère ne transmet pas ses propres caractères à l'enfant. Elle n'est que le réceptacle, le vase qui recueille la semence du père, pourvoit à son développement dans son ventre, puis met au monde l'enfant. Aristote dit que l'homme donne la forme, le principe vital, la femme fournit la matière qui nourrit la petite graine déjà préconçue par son partenaire qui informe cette matière".* Il a ainsi influencé des siècles de scientifiques, prélats et philosophes !

Voici un bel exemple de dualisme malgré de nombreuses précautions oratoires :

Hermaphrodisme-pierredesvaux-sergehefez
envoyé par jmphoenix2. - L'info internationale vidéo.

Télérama livre un article sur le sujet ICI (en montrant des corps nus, c'est devenu une habitude narcissique !) en expliquant pourquoi la question du genre est politique : discrimination à l'embauche, écarts de salaires même pour les femmes qui choisissent de ne pas avoir d'enfants et font carrière, assignation aux tâches ménagères, choix de métiers réduit, mal payés, etc... Toutefois, le concept de genre selon le magazine ne serait pas une invention des féministes, malgré le "On ne nait pas femme, on le devient" de Simone de Beauvoir, mais une idée des médecins qui ont traité les bébés "hermaphrodites" comme on disait à l'époque ! Des médecins préoccupés de biologie, de génétique et de chirurgie réparatrice qui inventeraient le concept éminemment social et politique de genre ? Tiens, une fois de plus, on ne doit rien aux féministes ! Comme à chaque fois qu'une idée exposée et martelée par le féminisme passe dans le corpus des sciences sociales, devenant ainsi un sujet de société non tabou donc mainstream ? C'est quand même dingue !

Bonne nouvelle toutefois, Science Po Paris à la rentrée 2011 va introduire un enseignement obligatoire sur les problématiques de genre (sexe social avec hiérarchie entre le masculin et le féminin) pour tous les étudiants. Et les féministes n'y seraient pour rien ? Si Télérama le dit....

Et si on arrêtait le genre ? Il ne fait pas bon être entre deux, ou être un éros minoritaire, gay ou lesbienne, dans la société majoritaire hétérosexuelle.


Pour en savoir plus sur le sujet en se divertissant tant qu'à faire, on peut recommander la lecture du magnifique roman de Jeffrey Eugenides, prix Pullitzer Littérature 2003, Middlesex, où sur fond de 50 ans d'histoire contemporaine américaine on voit des migrants grecs s'intégrer dans le creuset américain et l'héroïne une fille/garçon résistante, beau personnage de roman, Calliope, refuser l'assignation de la société et accepter de vivre en étant les deux sexes à la fois. Un roman libérateur.

* Citation tirée de Les putains du Diable d'Armelle Lebras-Chopard chez Plon

jeudi 13 janvier 2011

Women are heroes : je l'ai vu pour vous




Crédit photo : Photo-film

C'est un film d'artiste : beaux cadrages, plans accélérés, couleurs saturées, courte focale, gros plans voire très gros plans sur des visages de femmes qui racontent leurs faits d'armes de la vie quotidienne dans des favelas violentes et des quartiers promis à la démolition puisque convoités par des promoteurs immobiliers. Les coups de masse des démolisseurs répondent aux coups de feu des gangs ou de la police, les friches, favelas et sentes claustrophobiques et interminables, où l'on ne peut pas se croiser sans se plaquer au mur sont omniprésentes, comme les tas d'ordures où travaillent des enfants, la cohue de villes surpeuplées... Et ces femmes parlent d'éducation, d'école, de livres, d'entrepreneuriat, de mariage, de leurs enfants, de viols aussi, et d'espoir avec une énergie incroyable ! Ce n'est jamais misérabiliste.

Land art ou street art : le film est une performance d'artiste autour de l'énergie des femmes -dans des univers hostiles. La bande son est de Massive Attack. Moi, j'ai beaucoup aimé. Pourtant, je ne cache pas qu'aller le voir ressemblait à une petite contrainte professionnelle puisque j'avais promis la critique dans mon billet précédent ! On comprend également pourquoi il a obtenu le prix de la Semaine de la Critique de
Cannes : il est visuellement beau.

Je n'ai vu aucune réelle promotion pour le film : ni à la radio, en tous cas pas celles que j'écoute, et rien à la télévision ; j'ai juste été alertée de sa sortie parce que je suis dans la mailing-liste d'Amnesty International ! Emelire en parle dans son billet de mercredi.

D'autres critiques : Les Inrocks (qui aime),  Le MondeTélérama  et
Politis ; ces trois derniers n'aiment pas le film ...sans doute plutôt l'image des hommes qui leur est tendue ! Comme je les comprends : on y voit une séquence où le réalisateur négocie l'installation de ses bâches avec les hommes : ils se font prier et demandent quand on reviendra les photographier eux aussi ! Tous mauvais joueurs.

En conclusion une citation d'une interview d'une femme de Kibera
(Kenya) : J'ai du potentiel, les femmes ont du potentiel, le monde ne voit pas le potentiel des femmes !
Je recommande d'aller voir ce beau film.

dimanche 9 janvier 2011

Women are heroes !


Les femmes sont des héros ! Enfin, c'est de l'Anglais : la traduction française pose un léger problème. Si on féminise, ce qui est normal, on obtient les femmes sont des héroïnes et là, gratte-nerf habituel, il se produit un léger glissement sémantique, héroïne n'a pas exactement le même sens que héros. Autant en anglais, tout colle bien puisque héros (hero) va tout de suite prendre le neutre, ce troisième genre (it) qui positionne la langue en mode ternaire et la sort de la binarité qu'impose la langue française et qui la corsète. En français le féminin héroïne est connoté, il fait pâle faire-valoir du héros mâle. Encore un mauvais coup du masculin l'emporte (prenez un héros plus 49 héroïnes et méchant tour de passe-passe, on a à cause d'une règle de grammaire idiote 50 héros !), et du masculin qui a fait main basse sur l'universel ! J'en ai déjà parlé.

Allons donc pour héroïnes, il faut l'imposer : oui, toutes les femmes sont des héroïnes à part entière ; faire double journée (pour un demi salaire et une demi-retraite) en gardant une redoutable efficacité dans l'hémisphère Nord, trouver à manger, cultiver la terre et nourrir une nombreuse famille dans l'hémisphère Sud pendant que les hommes font la guerre entre eux d'abord, et aux femmes ensuite -traitées qu'elles sont en butin de guerre et en chair à viol quand la guerre devient totale- vivre dans des favelas au milieu de la violence des gangs, des guerillas et des narco-trafiquants dans des quartiers abandonnés par la police et l'armée en Amérique du Sud, trouver de nouveaux modes de cultiver la terre en Inde pour contrer les puissants laboratoires de génétique végétale et les entreprises de l'agro-business dirigées par les hommes, défendre leurs logements et leurs quartiers contre les spéculateurs/prédateurs immobiliers au Cambodge, s'organiser entre elles en Afrique pour créer et diriger leurs propres commerces et industries, continuer à vivre et élever des enfants pendant que les maris en Moyen-Orient et Extrême-Orient vont travailler dans des pays étrangers à statuts de demi-esclaves, s'organiser pour faire progresser la cause des femmes auprès des Organisations Internationales et des gouvernements, s'imposer et réussir comme dirigeantes dans les pays ruinés sous de désastreuses gouvernances mâles, résister à l'assommoir de la misogynie, du sexisme et de la persécution..., oui pas de doute, les femmes sont des héroïnes.

Le film : on trouvera la bande annonce ICI et la description du projet et la présentation de l'artiste ICI.  Sans oublier le site de l'artiste JR, photographe français de réputation internationale.

Le film soutenu par Amnesty International sort le 12 janvier au cinéma ; il a obtenu le Prix de la Semaine de la Critique à Cannes 2010.

mardi 4 janvier 2011

Elizabeth























Je n'ai aucunement l'intention de concurrencer Euterpe par ce billet mais j'ai vu sur Arte jeudi dernier (dans le désert programmatique de l'entre-fêtes, et je me demande encore comment j'ai bien pu faire pour louper ce film lors de sa sortie en salle en 2007, un loupé à mettre sur le dos de critiques peu enthousiastes ?) j'ai vu donc  Elizabeth L'âge d'or, film de Shekhar Kapur, cinéaste Hollywodien d'origine indienne et anglophile selon toutes les apparences ! Ce film m'a littéralement tapé dans l'œil ! L'Histoire officielle nous montre toujours Elizabeth 1ère comme une espèce de monstre froid et inhumain* (l'habituelle façon de diaboliser les quelques incontournables femmes de pouvoir qui surnagent dans l'histoire racontée par les hommes) ayant comme principal fait d'armes d'avoir fait décapiter Marie Stuart, Reine d'Ecosse, prétendue pauvre femme sans défense. Je pense que Marie Stuart est plus aimée, en tous cas par les français car elle était davantage dans la tradition : amoureuse, elle était dans les sortilèges de la passion et dans les rôles assignés aux femmes, précisément ce que refusait Élisabeth ! Et elle était catholique.

Shekhar Kapur nous dépeint dans un grand film magnifiquement baroque, une femme lucide sur ses conseillers hommes, qui n'agissent que par intérêt en tentant de la manipuler, lui reprochent de ne pas être mariée (ils lui détaillent à l'occasion une liste de princes présentables dans le rôle d'étalons) et de ne pas avoir d'enfant. Selon l'auteur du film, elle aurait été manipulée à propos de l'exécution de Marie Stuart qu'elle considérait comme une reine à l'égal d'elle-même ; elle ne fait la guerre à Philippe d'Espagne, un diabolique et terrifiant catholique intolérant (ah les concurrences meurtrières entre ces systèmes nihilistes que sont les religions "révélées" !), que parce qu'elle y est contrainte, que l'Invincible Armada menace Londres par la Tamise, et elle emporte la victoire !

Durant tout le film, Elizabeth - Kate Blanchett est filmée dans des décors écrasants, en plans lointains ou surplombants, ou encore dans l'intimité de ses appartements sans ses perruques comme pour montrer sa fragilité de femme face au destin ; ET en même temps, Elizabeth suggère une force peu commune, même quand elle est apparaît effondrée en bas d'un énorme pilier ou tenue en joue par un assassin.

Une fois n'est pas coutume, Hollywood nous sert un film où le rôle central est tenu par une femme ! Clive Owen qui joue le rôle de Sir Walter Raleigh en est réduit aux rôles dévolus habituellement aux actrices dans l'Industrie misogyne du cinéma américain : celui de séduisante utilité et de pâlot faire-valoir ! C'est lui l'amoureux transi qui doit se contenter d'un amour par procuration avec la Reine via sa plus proche dame de cour, alors qu'il a conquis la Virginie en lui donnant ce nom en hommage à Elizabeth la reine Vierge** ! Requinquant et jouissif !

Voici la bande annonce ; j'ai vainement cherché l'extrait du film rapportant le "speech to the troops" qu'elle a prononcé en 1588 à Tilbury juste avant la bataille et que Shekhar Kapur filme magnifiquement : la reine en armure et à cheval en très beaux plans serrant l'actrice et son cheval caracolant. Kate Blanchett habite le rôle de façon très convaincante ; contrairement à ce qu'on voit dans la bande-annonce, il n'abuse pas de la Steadycam !


Official: Elizabeth - The Golden Age int

Le metteur en scène conclut son film par une prière d'Elizabeth : "On m'a surnommée la Reine vierge sans époux. Sans enfant, je suis la mère de mon Peuple ; donnez-moi, Mon Dieu, la force de porter cette redoutable Liberté".  Je n'aime pas trop les films "en costume" : ils sont généralement des tranches (pâtissières) d'histoire fossilisée dans l'obscurantisme du passé, mais ici Shekhar Kapur par ses audacieux parti-pris d'artiste fait d'Elizabeth, souveraine du 16ème siècle,  une femme moderne.


Si vous avez loupé ce superbe film, mauvaise nouvelle, vous êtes passé-e-s à côté du bonheur ! Mais pour une fois, l'Histoire peut repasser les plats : on le trouve certainement en DVD, en vente libre dans toutes les bonnes pharmacies (et les bonnes médiathèques pour les fauché-e-s comme moi) : quoique non remboursé, c'est bon pour la santé et le moral !

Lien vers la fiche de Shekhar Kapur sur IMDB la base de données du cinéma (en anglais) pour les intéressées.

* C'est vrai que les portraits "officiels" d'époque qui la montrent emperruquée, encollerettée, ensevelie sous de lourds brocards, maquillée à la truelle, couleur plâtre blafard et la faisant ressembler à une terrible divinité primitive doivent y être pour quelque chose ! Mais bon, les conseillers en image sont d'invention récente. Et je pense qu'elle valait mieux que ses portraits.

** On n'a évidemment aucune preuve de sa virginité qui est douteuse ; mais comme elle est la fille du terrible Henri VIII et d'Anne Boleyn, reine martyre décapitée, on l'imagine vaccinée contre le mariage et contre ce que les hommes peuvent y faire aux femmes ! Mais c'est juste mon explication et je ne suis pas historienne. Plus d'information sur sa fiche Wikipedia