mercredi 14 avril 2010

Sexe, mensonges et mondialisation : Marilyn Waring












En 1979 (il y a plus de 30 ans !) une jeune femme de 22 ans, Marilyn Waring, se fait élire première et seule députée du parlement de Nouvelle Zélande. Marilyn Waring est économiste : on va lui confier le Comité des dépenses publiques en charge (prestigieuse) d'analyser le budget de son pays.

Cela va la mener à conduire des investigations dans son pays, mais aussi partout sur la planète, et notamment à l'ONU, sur les comptabilités nationales et internationales. Elle va réaliser que les PIB (Produit Intérieur Brut : en quelque sorte les chiffre d'affaires ou accumulation de richesse d'un pays à un moment M) sont basés essentiellement sur les activités masculines : le travail des femmes est non seulement invisible, mais non compté dans les PIB, donc il n'existe tout simplement pas. Comme n'existent pas le travail pollinisateur des abeilles, les services rendus par la nature, ni le travail des autres animaux, dont seul le paysan du Tiers-Monde sait que si sa vache meurt, lui même est bien mal parti.

Dans le film, elle compare les statuts de Cathy et Ben : Cathy élève ses enfants, les conduit et va les chercher à l'école et à la crèche, surveille leurs devoirs, prépare les repas, nettoie la salle de bains, récure la baignoire, tond l'herbe du jardin, fait les courses, le repassage, la cuisine, assiste aux réunions de parents d'élèves, milite dans des associations. Cathy n'est pas payée : "she is unoccupied" ! Ben "highly trained and well paid" travaille pour l'armée : tous les matins, il descend dans son bunker souterrain pour y surveiller la force de frappe nucléaire ; il simule des attaques et des ripostes nucléaires, et sa véritable mission est de tuer son collègue si celui-ci refusait d'obéir aux ordres de riposte en cas d'attaque nucléaire. Ben travaille et il participe à la croissance du PIB ! Car le système n'accorde de valeur qu'à l'argent quelle que soit la façon dont il est produit. N'ont aucune valeur : la paix, les générations futures, le travail bénévole, les ressources naturelles, et le travail de 50 % des personnes de la planète est ignoré.

Cet irremplaçable travail des femmes est non rémunéré la plupart du temps ; c'est un travail non reconnu donc invisible. Et quand vous êtes invisible comme productrice et que votre contribution à la richesse nationale n'est pas reconnue, vous n'êtes pas invitée à partager la richesse acquise ! C'est aussi simple que cela.

En revanche, le slogan, "rien ne vaut une bonne guerre" pour relancer l'économie, faire avancer le progrès technique et s'enrichir, garde tout son pouvoir ; -les technologies de guerre sont en général recyclées au civil, le nucléaire en est un exemple parfait, Internet issu de la guerre froide aussi. C'est vrai qu'après une bonne boucherie, il convient de nettoyer, reconstruire et s'amuser en pensant à autre chose ! L'économie au masculin est basée sur la guerre, l'effort de guerre ou les réparations de guerre. Ou encore sur la destruction et la réparation de l'environnement : les marées noires type Erika, Exon Waldès, ou, plus récemment, les inondations en Vendée et Charente maritime en sont d'excellents
modèles ; on accorde de façon insouciante des permis de construire sur d'anciens marais asséchés ou d'anciens domaines maritimes pour des raisons dues à une solide mentalité de chambre de commerce et de compétition imbécile entre communes, pendant 40 ans il ne se passe rien (donc on continue) et un beau jour, on se retrouve avec 53 morts parce que la mer a repris ses droits et que "c'est redevenu navigable". Qu'a cela ne tienne, on va raser, démolir (les démolisseurs font du chiffre), indemniser (les assurances font du business), et reconstruire ailleurs (le bâtiment repart et quand le bâtiment va...). Les emplois repartent à la hausse, ça fait du business et le PIB MONTE, la croissance revient.

Dans le même ordre d'idées, par pitié, si vous voulez que la croissance reparte en ces temps de récession, arrêtez de vous brosser les dents, et fumez au moins 3 paquets par jour : le PIB en a vraiment besoin !

Il résulte de ce système de la pauvreté, des problèmes de santé, de la FAIM, des désastres environnementaux , la guerre, et au final, il peut provoquer notre destruction.
Le commerce des armes est la première industrie au monde, elle crée et maintien des emplois, de l'exportation, et elle rapporte des milliers de milliards. Les 5 membres permanents du Conseil de Sécurité de l'ONU sont aussi les 5 plus gros exportateurs d'armes de la planète. Tuer ou se préparer à tuer provoque de la VALEUR.

De ses observations, Marilyn Waring va tirer en 1995 un livre "If women counted" et un film "Who's counting, Sex, Lies and Global economics", ("Qui compte, sexe, mensonges et mondialisation"). J'ai vu ce film canadien sous-titré lors d'une projection organisée par une petite association féministe locale où je militais en 2006. C'est une vidéo édifiante, malheureusement confidentielle et mal distribuée. En 2009, Coline Serreau fait le tour du monde pour présenter une analyse... à peu près similaire. La parole des femmes va encore rester longtemps inaudible, et leur contribution à la société invisible ?

Liens Internet :
En Français
Si les femmes comptaient
Sexisme et contrevérité dans l'économie mondiale : une main d'oeuvre invisible
Les endroits où trouver cette vidéo

En anglais
La fiche Wikipedia sur Marilyn Waring (en anglais, les français ne la connaissent pas, c'est dingue !)
La fiche IMDB du film Who's counting
La video sur Youtube en trois parties (introuvable doublée en français ou en VOST : la vision top down systémique de Marilyn Waring est sans doute moins intéressante que les analyses partielles de Madame Badinter ?)

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